Clôture du congrès de la Conférence des grandes écoles Vendredi 8 octobre 2010 - Collège de France

Discours de Valérie Pécresse, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Publié le 08 octobre 2010

Mesdames et Messieurs,

Au cœur de vos réflexions, vous avez choisi de placer cette année l'un des défis majeurs auxquels notre enseignement supérieur et notre recherche est aujourd'hui confronté : le défi de l'international.

Nous le savons tous, les plus grandes nations du monde se sont désormais engagées dans une véritable bataille mondiale de l'intelligence. La mobilité internationale des étudiants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs est devenue un fait, un fait qui est appelé à s'amplifier encore au cours des années qui viennent.

Et très concrètement, cela veut dire une chose simple : de plus en plus nombreux sont les étudiants et les scientifiques, français et étrangers, qui choisissent non seulement le pays, mais également l'université ou l'école qui les accueillera pour leurs études ou leurs recherches.

Et vous le savez, mieux que quiconque, Mesdames et Messieurs. Car cette émulation collective, elle marque depuis longtemps déjà le paysage de nos écoles, à l'échelle nationale, bien sûr, mais aussi à l'échelle européenne et maintenant internationale.

Ce défi, vous le vivez donc au quotidien depuis maintenant des années. Et vous avez su y répondre, en mettant cette logique de compétition vertueuse au service d'une amélioration permanente de la formation et de l'insertion de vos étudiants, ce qui vous a poussé à réunir vos forces pour faire mieux encore.

Je pense en particulier aux partenariats que vous avez su nouer entre écoles, françaises ou étrangères, mais aussi aux liens que vous avez tissés avec les universités. Avec, à la clef, une excellence qui se diffuse partout et qui transparaît clairement dans les classements internationaux.

* Dépasser les frontières universités - grandes écoles *

On dit parfois des grandes écoles qu'elles sont des citadelles, assiégées pour les uns, où il fait bon se retrancher pour les autres. Ces deux visions sont fausses : elles oublient l'une comme l'autre les profondes transformations que vous avez engagées de vous-même pour répondre aux grands défis qui s'offraient à vous.

Le temps est révolu où l'on pouvait opposer les grandes écoles et les universités, comme s'il s'agissait de deux mondes à jamais séparés. Car aujourd'hui, tous les acteurs de notre enseignement supérieur travaillent ensemble pour faire rayonner une certaine vision française de la formation et de la recherche.

Et c'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je voulais vous le dire aujourd'hui : ce défi de l'internationalisation, nous avons tout pour le relever sans complexe.

Sans complexe, car avec nos universités, nous sommes forts d'une tradition d'excellence scientifique qui fait de nous l'une des grandes puissances intellectuelles de ce monde. Sans complexe, car nous pouvons compter sur l'extraordinaire capacité de nos grandes écoles à se transformer pour répondre aux attentes du monde professionnel et faire éclore les talents de demain. Sans complexe, enfin, car tous ceux qui en doutaient le savent désormais : nous sommes capables d'unir nos forces face à la bataille mondiale de l'intelligence et de le faire sans rien perdre du meilleur de ces deux traditions.

Car rien ne serait pire, pour affronter d'égal à égal la concurrence de Cambridge, de Harvard ou de Heidelberg, que de renoncer à ce qui fait la force et la renommée de nos plus grandes écoles et de nos plus grandes universités. Bien au contraire, nous avons le droit d'être fiers de notre modèle français d'enseignement supérieur et de sa diversité.

A une seule condition : celle d'être à la fois fiers et lucides, c'est-à-dire d'affirmer nos forces sans fermer les yeux sur nos faiblesses. C'est tout l'esprit de l'action que nous avons entrepris ensemble depuis désormais près de trois années et demie.

* Approfondir les partenariats universités - grandes écoles *

Et au cœur de cette action, il y a l'approfondissement de tous les partenariats qui unissent les grandes écoles aux universités. De nouvelles alliances doivent se nouer, qui permettront aux unes et aux autres de faire valoir tous leurs atouts : je pense aux écoles, soucieuses de développer leurs activités de recherche et de cultiver l'esprit d'ouverture chez leurs étudiants ; je pense aux universités, désormais autonomes, qui, pour relever pleinement le défi de la démocratisation, doivent affirmer la dimension professionnalisante de leurs formations.

Cette alliance des grandes écoles et des universités, elle se construit donc autour des complémentarités naturelles. A partir de ce qui fait l'identité de chacun d'entre elles, nous devons construire un partenariat gagnant-gagnant, qui ouvre davantage les grandes écoles à la recherche et davantage les universités à la professionnalisation des cursus et aux relations avec le monde économique.

C'est la raison pour laquelle, depuis 3 ans, le Gouvernement soutient et accompagne ces partenariats sous toutes leurs formes. La refondation des universités sur le socle de l'autonomie a fait d'elles des partenaires actifs pour les grandes écoles, en offrant à nos établissements la capacité d'élaborer une vraie stratégie de recherche, de formation et d'insertion professionnelle des étudiants.

Car ces alliances ne se cultivent pas hors sol. Elles se fondent sur des projets partagés, des projets que les universités ont désormais les moyens d'élaborer avec les grandes écoles. Et tous les outils existent également pour sceller des partenariats : je pense aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, mais aussi aux réseaux thématiques de recherche avancées, aux écoles internes, aux unités mixtes de recherche universités, grandes écoles ou organismes ou bien encore aux doubles cursus et aux doubles diplômes.

C'est la diversité de ces instruments qui vous permet, Mesdames et Messieurs, de construire le partenariat sur-mesure dont vous avez besoin. Il peut prendre de multiples formes : à Toulouse, à Lyon ou à Lille, c'est le développement de formations communes ; à Montpellier, c'est une offre unique en biologie-santé et en chimie; au sein du PRES Paris-Est, c'est une action commune par grands collèges thématiques.

Ces nouvelles alliances, elles se construisent donc à travers une logique de projet partagé autour d'un même site. Car c'est à l'échelle d'un campus ou d'un territoire que les complémentarités se cultivent naturellement, bénéficiant ainsi à tous les acteurs.

C'est pourquoi ces coopérations renforcées sur un même site sont au cœur des grands appels à projet lancés par le Gouvernement pour offrir à notre enseignement supérieur les moyens de relever le défi de la compétition internationale. Car qu'il s'agisse de l'Opération Campus ou des investissements d'avenir, nous avons fait de l'établissement de partenariats ambitieux l'un des critères décisifs de sélection des projets.

La raison en est simple : relever ce défi suppose de rendre visible aux yeux du monde l'excellence de notre formation et de notre recherche. Les forces sont là, nous devons simplement les rassembler pour démultiplier leurs effets. Notre devoir, c'est de ne pas limiter nos ambitions, des ambitions auxquelles ni les universités ni les grandes écoles ne pourront répondre seules.

C'est la raison pour laquelle je me suis personnellement engagée dans ce très beau projet qu'est le campus de Saclay : les universités et les écoles qui le portent ne pouvaient pas se présenter en ordre séparé face à l'appel à projet « initiative d'excellence ». Cela n'aurait eu aucun sens et je suis donc très heureuse que les différents acteurs fassent réponse commune, pour permettre la naissance d'un campus capable de rayonner à l'échelle du monde.

Car c'est tout l'esprit des investissements d'avenir et des 22 milliards d'euros qui seront consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche : donner aux ambitions qui partout s'affirment les moyens de s'exprimer, pour permettre à la France de tenir son rang dans les vingt ans qui viennent.

Et j'ai pu le constater à chacun de mes déplacements, tous les acteurs ont compris qu'il s'agissait là d'une occasion historique. Partout, les projets se multiplient, des projets qui font la part belle aux coopérations parce qu'elles sont le meilleur moyen de viser l'excellence et de l'atteindre.

* Classements internationaux *

Cette excellence, nous devons nous donner les moyens de la rendre visible. Cela passe par la construction de nouveaux partenariats, bien sûr, mais aussi par un effort résolu pour que les les classements internationaux reflètent les évolutions qui sont d'ores et déjà engagées.

Je sais que la multiplication des classements et l'infinie variété des informations qui vous sont demandées exigent de vous beaucoup d'énergie, au point, parfois, de poser la question de l'utilité d'une telle mobilisation.

Mon sentiment sur la question est simple : aussi contraignant que soit le processus, aussi imparfaits que soient ces instruments, notre présence dans les classements internationaux est et restera toujours une nécessité absolue. C'est une question d'intérêt général.

Bien sûr, une école ou une université peut avoir intérêt, individuellement, à se tourner vers d'autres formes de reconnaissance, qu'il s'agisse d'accréditations ou de classements de formation. Mais notre système d'enseignement supérieur dans son ensemble a besoin d'être parfaitement représenté dans les classements internationaux.

Et c'est l'intérêt de chacun bien compris : si la France progresse dans les classements, tous les établissements sans exception en tireront avantage, car c'est l'image de toutes les écoles et universités françaises qui s'en trouvera renforcée.

C'est pourquoi j'ai souhaité que s'engage un travail approfondi sur le traitement de l'information à destination des auteurs de ces classements. J'ai rencontré les responsables de deux des principaux classements internationaux : nous avons les moyens de voir notre excellence mieux reconnue. Nous devons tous nous mobiliser pour atteindre cet objectif.

* Formations communes universités - grandes écoles *

Et je crois cet effort d'autant plus nécessaire que nos actions de plus longue haleine commencent à porter leurs fruits. Je pense en particulier au développement des parcours croisés entre universités et grandes écoles et à l'essor des formations communes.

A tous les niveaux, le décloisonnement est en cours, avec, à la clef, de nouvelles opportunités pour tous nos étudiants. Je pense par exemple à nos jeunes ingénieurs, qui sont de plus en plus nombreux à s'engager dans des études doctorales. Et là encore, les partenariats sont décisifs : dans les écoles qui ont mis en place des laboratoires communs avec des universités, la proportion de doctorants peut atteindre 30 %, comme à l'Ecole nationale supérieure de chimie de Paris.

C'est une excellente chose. Nos ingénieurs étaient déjà parmi les meilleurs du monde : en leur permettant de se frotter à la recherche, nous nous donnons les moyens de faire de notre grand pays de science une grande nation de l'innovation. Et nos universités, elles aussi, l'ont parfaitement compris. Des passerelles inédites se développent : le cycle préparatoire de l'université Bordeaux 1 propose ainsi à ses étudiants une formation particulière, qui leur ouvre un accès direct aux écoles de l'Institut polytechnique de Bordeaux.

Car ces chercheurs-ingénieurs, ce sont eux qui seront demain au cœur de la recherche partenariale. Et c'est eux aussi qui créeront demain les nouvelles entreprises de pointe, dont nous avons besoin, avec à la clef plus de croissance et plus d'emplois.

C'est pour cette raison, Mesdames et Messieurs, que nous avons mis l'entreprenariat étudiant au cœur des partenariats qui unissent les grandes écoles et les universités. Les 20 pôles de l'entreprenariat étudiant que nous venons de labelliser permettront que se diffuse partout dans notre enseignement supérieur la culture du projet et de la création d'entreprise que les écoles ont mis depuis longtemps au cœur de leur formation.

Au cœur du grand décloisonnement qui s'engage ainsi partout, il y a une conviction que nous partageons tous : la diversité des formations est une force lorsqu'elle permet à la diversité des profils de s'épanouir. La fluidité des parcours doit devenir la règle.

Je pense bien sûr à la multiplication des voies d'accès parallèles, dans laquelle vous vous êtes engagés depuis bien longtemps déjà, pour ne pas perdre l'occasion d'accueillir des élèves qui, pour une raison ou pour une autre, n'avaient pas pu, pas su ou pas voulu, au sortir du lycée, rejoindre une classe préparatoire, avant de se sentir, deux ou trois années plus tard, l'envie et la capacité de rejoindre une grande école.

Mais en retour, je pense également à l'intérêt, pour les élèves des classes préparatoires, de passer par l'université, pour y découvrir d'autres méthodes et d'autres approches. Des dispositifs innovants ont été testés avec succès. J'ai décidé de leur donner un coup d'accélérateur en posant un principe simple : je n'ouvrirai plus de classe préparatoire à l'avenir sans partenariat avec l'université, pour permettre là encore à nos étudiants de bénéficier du meilleur des deux systèmes et de ces deux cultures.

Ce décloisonnement permettra ainsi aux universités et aux grandes écoles de s'enrichir de nouveaux profils. Et je pense notamment à nos étudiants littéraires, dont les qualités doivent pouvoir s'épanouir dans nos entreprises et dans nos administrations. C'est pourquoi, vous le savez, je suis très heureuse qu'ensemble, nous ayons mis un terme à la logique du concours-couperet en fin de khâgne.

Cette logique n'existait plus que pour les seules classes préparatoires littéraires. Elle mettait en péril la survie de ces filières remarquables, qui ont donné à notre pays quelques-uns de ses plus beaux esprits. Désormais, les khâgneux auront un accès direct, à l'issue de leur année de première supérieure, à un large éventail de concours qui leur ouvriront de nouveaux horizons.

Et je voulais tirer un coup de chapeau à toutes les écoles qui ont accepté cette nouvelle règle du jeu au plus grand bonheur de nos étudiants.

Et c'est essentiel : car là aussi, nous allons sortir de la logique de sélection par l'échec pour entrer dans une logique d'orientation progressive et réversible. Les étudiants seront désormais maîtres de leur destin : certes, ils devront faire des choix, et nous devons les y préparer, mais ils n'en seront plus prisonniers. C'est tout l'enjeu de la création du cycle d'études fondamentales, qui mise sur la complémentarité des différentes voies de formation pour permettre à la diversité des profils de s'exprimer.

* Ouverture sociale des grandes écoles et concours *

Et cette diversité, Mesdames et Messieurs, elle est aussi sociale. Nos grandes écoles sont fondées sur un principe, celui du concours républicain, où chacun peut faire valoir anonymement ses mérites et tenter sa chance.

Ce principe est à mes yeux fondamental. On ne peut transiger avec lui. Alors, bien sûr, j'entends les critiques que l'on a pu adresser à la formule même du concours. Mais ma conviction, je l'ai dit et je le répète, c'est que le concours est la pire des solutions à l'exception de toutes les autres.

Et c'est pour cette raison que nous devons travailler sur nos concours d'entrée, pour les faire gagner en justice sans perdre en exigence. Des biais sociaux existent, le rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche l'a montré. Je sais que vous vous êtes également saisis de la question et je m'en réjouis, car cela démontre non seulement notre attachement partagé au principe du concours, mais également notre souci de le faire évoluer lorsqu'il le faut pour qu'il remplisse parfaitement sa fonction.

Ce chantier passe par une évolution de certaines épreuves, je pense en particulier aux oraux ou aux épreuves de langues, mais aussi, pourquoi pas, à l'introduction de nouvelles manières d'apprécier objectivement les qualités intellectuelles et personnelles des candidats.

Ce chantier, je souhaite que nous l'ouvrions ensemble et que vous me fassiez, dans les mois qui viennent, des propositions concrètes pour faire évoluer les épreuves des concours.

J'y suis d'autant plus attachée que nous avons, d'ores et déjà, ouvert largement les portes des classes préparatoires aux boursiers. Nous l'avons fait avec volontarisme, grâce à l'engagement des proviseurs et des professeurs de lycée et de CPGE. Et nous l'avons fait sans remettre en cause un seul instant notre niveau d'exigence à l'entrée des classes préparatoires.

Et là encore, je veux rendre hommage à tous les professeurs de classes préparatoires dont nos enquêtes ont montré que le remarquable travail contribuait à atténuer les discriminations sociales constatées au baccalauréat et à rétablir l'égalité républicaine devant les concours de tous les enfants de France.

Ce volontarisme dans l'ouverture des classes préparatoires, nous sommes, j'en suis également certaine, capables d'en faire preuve sur la question des concours. Pour une raison très simple : au cœur du système des grandes écoles, il y a la volonté de faire s'épanouir tous les talents, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent.

Vous l'avez prouvé en lançant les dispositifs « Une grande école pourquoi pas moi ? » et en soutenant désormais de toutes vos forces les « cordées de la réussite » ou les dispositifs de « double ascension » qui accompagnent vers le concours nos étudiants socialement les plus fragiles.

La République française s'est fondée sur l'éducation, c'est-à-dire sur l'espoir qu'un fils d'ouvrier qui en avait les capacités pouvait devenir polytechnicien. Et je veux le dire, nous pouvons être fiers de cette culture de la méritocratie républicaine. Plus que jamais, nous devons la cultiver. Car face au défi que nous adresse le mouvement d'internationalisation de l'enseignement supérieur, c'est un de nos plus beaux atouts.

*

Ce défi, c'est en effet celui de la performance, mais d'une performance qui se mesure non seulement sur le plan scientifique et pédagogique, mais aussi sur le plan social. Ce défi de l'excellence scientifique, pédagogique et sociale, il engage donc l'ensemble de notre système d'enseignement supérieur dans sa diversité, mais aussi dans sa complémentarité.

Seul le prononcé fait foi

Une grande nation de l'intelligence doit être capable de faire grandir tous les talents. Et nul ne l'a mieux dit que Condorcet, pour qui l'excellence était l'idéal le plus élevé de l'égalité. N'ayez pas peur, soyez audacieux. Je sais que je peux compter sur vous pour vous montrer encore et toujours à la hauteur de ce très bel idéal.


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