Interview exclusive de Raymont Clounet !

L'auteur du polar Cocktail d'Enfer Carnet 103 a accepté de répondre à nos questions ...

Publié le 10 juin 2008

Capcampus

Bonjour, pourquoi avoir choisi le thème des producteurs d’alcool et de cigarettes ?

Raymont Clounet

Par révolte. Pour montrer comment on nous tue impunément. Parce que les lobbyistes qui travaillent pour les alcooliers et les cigarettiers multiplient les opérations pour faire boire et fumer plus massivement les jeunes, alors que le tabac fait déjà 66 000 morts par an en France et que l’alcool en fait environ 50 000. Sans compter les souffrances humaines, familiales et sociales que ces produits entraînent. Empêcher ces professionnels de tuer nos gosses est à notre portée, et c’est au moins aussi important que de faire quelque chose pour la planète, d’autant que ce combat est vraiment à notre portée. Demain, ils pourront nous dire : « Papa, tu pouvais agir et tu n’as rien fait ? Tu ne t’es même pas creusé un peu la cervelle pour ça ? »Les industriels ont réussi à nous faire jouer à la roulette russe, tous ensembles. Et à nous faire accepter ce jeu qui tue plus que n’importe quelle guerre ! Et ils peuvent le faire avec n’importe quels produits.

Capcampus

Qu’entendez-vous par « Cocktail d’enfer » ?

Raymont Clounet

C’est tout ce que les industriels concoctent pour nous rendre dépendants. Les boissons expérimentées sur les jeunes, les stratégies de marketing, les pratiques d’influence auprès des politiques… Tout ce qui nous fait plonger dans l’enfer de l’alcoolisme, entre autres. Mais le cocktail, c’est aussi la forme même de ce thriller : un journal intime où le type livre tout ce qu’il sait, ses manipulations et ses corruptions, ses sentiments, aveux, saloperies, comment il en est arrivé là. Bref, le grand déballage. Un journal est toujours un cocktail. Et dans le cas de ce corrupteur, c’est un vrai cocktail d’enfer. Son job est diabolique. Et le mal ne l’arrête pas, il a pactisé avec lui. Il travaille pour faire oublier les morts et les souffrances que ses clients répandent.

Capcampus

Selon vous, y aurait-il un lien entre les industriels et les décideurs politiques ?

Raymont Clounet

Absolument. Il y en a même beaucoup. Les lobbyistes qui servent d’intermédiaires créent toutes sortes de liens avec eux. Ils montent des associations pour les côtoyer, soutiennent des carrières politiques locales et nationales… Ils soudoient les attachés parlementaires qui travaillent tous les jours auprès des élus, les embauchent dans leurs cabinets de lobbying, institutionnalisent leur propre activité d’influence… Prochainement, ils vont même se faire voter une loi qui, sous couvert de réglementer leur activité, les autoriseront officiellement à circuler au palais bourbon pour pouvoir intervenir auprès des politiques jusque dans les dernières minutes du vote des lois. Déjà aujourd’hui, ils se permettent d’aller dans des salles où même les attachés parlementaires n’ont pas le droit d’aller !

Capcampus

Que pensez-vous des phrases choc sur le paquet de cigarette ?

Raymont Clounet

Avant, les gens croyaient que les cigarettes faisaient un mort de temps en temps, par-ci par-là. En réalité, c’est l’hécatombe. Un fumeur sur deux fait un cancer lié au tabac. « Fumer tue » ou « Fumer provoque des cancers » n’est jamais drôle à lire, mais ces formules sont un vrai progrès. Les cigarettiers ont tout fait pour éviter ces phrases car elles font prendre conscience de la réalité, tout simplement. En France, les industriels du tabac disent maintenant que ces avertissements sont une bonne chose, alors que les mêmes vendent de plus en plus de cigarettes en Afrique et en Asie sans aucun message sanitaire sur les paquets ! D’ailleurs, il faudrait que les bouteilles d’alcool portent aussi ces messages. On en est loin, les alcooliers refusent même qu’un petit dessin prévienne les femmes enceintes… Dans notre pays, les lobbies alcooliers sont beaucoup plus puissants que les cigarettiers.

Capcampus

Comment peut-on lutter contre les Vendeurs Représentants Placiers qui proposent aux buralistes des cadeaux, des « bonus », dans le but d’agrandir la notoriété de la marque et d’augmenter le chiffre d’affaire ?

Raymont Clounet

En renforçant la loi Evin qui interdit la pub, tout simplement, sans oublier de contrôler son application. Les transgressions de la loi sont de plus en plus fréquentes.


Suite de l'interview

Capcampus

Cibler les jeunes, est-ce une façon de s’assurer « un portefeuille clients » pour les générations à venir ?

Raymont Clounet

Les industriels savent depuis longtemps que plus on commence à fumer ou à boire jeune, plus on reste accroché longtemps. Et plus on reste fidèle à la marque de ses débuts. De plus, quand on vend un produit qui tue les consommateurs, le problème est de les renouveler sans cesse, sinon le marché s’écroule. En France, il faut renouveler plus de cent mille consommateurs par an (alcool et tabac), ça donne une idée du phénomène…

Capcampus

Que diriez-vous à la principale cible de ces producteurs, à savoir les jeunes ?

Raymont Clounet

De ne pas s’inventer de morale à deux balles.

Capcampus

Combien de temps au final pour aboutir à ce polar ?

Raymont Clounet

Dix bonnes années d’enquête, de réflexion, de souffrance aussi. Il ya a beaucoup de moi dans ce livre. Mes découvertes, mes passions… Et celles des autres. Je peux même dire que celui qui a écrit ce livre est le gosse qui traînait dans les rues, avec sa propre soif de justice, et qui me fait encore accomplir ce que je fais de mieux.

Capcampus

A quand le prochain livre ??

Raymont Clounet

En 2009, peut-être avant.

Capcampus

Votre pire souvenir dans la rédaction de ce livre ?

Raymont Clounet

C’est à la fois le pire et le meilleur : il s’agit des scènes où je décris ce que j’ai traversé quand j’ai souffert devant les crises de mes parents, autour de l’alcoolisme de mon père et des disputes, puis mes propres expériences dramatiques. Ce n’est pas facile de retrouver tous les détails refoulés, mais c’est extraordinairement jouissif de réussir à les formuler pour que tout le monde retrouve ses propres expériences. J’ai alors la certitude de libérer des milliers de gens de leurs propres souffrances enfouies.

Capcampus

Et le meilleur ?

Raymont Clounet

Difficile à dire, finalement, il y a eu tant de moments formidables. L’écriture, la vraie, c’est de traverser toutes sortes d’expériences, à chaque paragraphe. Parfois, à chaque phrase. Puisque vous me poussez, je dirai qu’il y a eu deux meilleurs moments : la scène sexuelle avec Cindy, car ça m’a fait remonter tous les souvenirs érotiques que j’ai pu accumuler jusqu’ici, et les plus pitoyables, qui me font rire avec le recul. Je dois dire que les cocktails de fumée et d’alcool ne m’ont jamais réussi dans ce domaine.

Capcampus

Un dernier mot à nos lecteurs ?

Raymont Clounet

J’espère que ce livre va les faire vomir et retrouver les énergies perdues, celles qu’on croit perdues à jamais alors qu’elles restent tout près, juste cachées sous la peau, prêtes à ressurgir, intactes. C’est un livre pour renaître et pour ne plus se laisser piéger.

Merci d’avoir répondu à nos questions. Bonne continuation pour la suite de vos projets !



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