Grosse inquiétude sur la santé des étudiants en santé

L'ANEMF adresse une lettre ouverte "Moi, étudiant en santé, j’accuse"

Publié le 08 décembre 2020

Nous restranscrivons la lettre remise par l'ANEMF aux ministères faisant le constat alarmant de la situation actuelle de la santé mentale des étudiants en santé.

"J'accuse les politiques publiques du manque d'investissement criant dans notre formation de soignants de demain, altérant la qualité de notre enseignement et notre santé mentale.

Pour exemple, 80% des étudiants en maïeutique se sentent plus stressés depuis qu'ils sont rentrés dans la formation, 31,3% des étudiants en sciences infirmières prennent des anxiolytiques, 27,7% d'étudiants en médecine présentent des signes de dépression, 14,88% des étudiants en chirurgie-dentaire affirment avoir déjà dû consulter un professionnel de santé mentale. Jusqu'à quand devrais-je insister pour qu'une pleine mesure de ces chiffres soit prise ?

Étudiant en santé, je suis chaque jour confronté à une anxiété croissante générée par ma formation. Corollaire d'une pression toujours plus impitoyable générée par les examens auxquels je suis soumis, l'apprentissage intensif et le bachotage de connaissances engendrent risques psychosociaux, isolement et repli sur soi. S'ensuivent généralement décrochages et difficultés d'apprentissage, qui ne font qu'accroître la pression pesant sur mes épaules d'étudiant en santé. Voici ainsi le cercle vicieux dans lequel je m'enfonce comme des milliers d'étudiants chaque année.

J'accuse les politiques publiques de leur indifférence face à la maltraitance en stage des étudiants en santé.

Outre le fardeau que représente la pression dans ma formation théorique, mon statut d'étudiant en santé me place également au quotidien comme acteur du monde soignant. Aux difficultés inhérentes à mon futur métier telles que la confrontation à la douleur voire la mort, à la détresse d'autrui, s'ajoute la confrontation à ces situations sans y être préparé, sans y être accompagné, par manque de temps des professionnels m'entourant. Comme si cela était possible, cet autre fardeau s'est encore alourdi en ces temps de crise sanitaire. Est-ce étonnant que cela retentisse sur ma santé mentale ?

Au-delà du manque d'accompagnement et du manque de soutien psychologique, le manque de professionnels de santé diplômés m'impose de prendre sur mes épaules toujours plus de responsabilités... encore une fois, auxquelles je ne suis pas formé, et que je ne suis pas prêt à endosser. Doutes, culpabilité en cas d'erreur, épuisement psychologique s'enchaînent ainsi jusqu'au craquage... Voici, ma réalité, la réalité d'un professionnel de santé en formation.

J'accuse les politiques publiques d'abandonner notre système de santé qui se trouve contraint d'exploiter ses soignants de demain.

Aujourd'hui, moi, étudiant en santé, je suis utilisé comme main d'œuvre bon marché au sein d'un cadre désastreux, au mépris de la loi. Je suis contraint d'enchaîner les heures, sans indemnisation adéquate, parfois humilié. Le résultat est sans appel : épuisement physique et psychique, dépression, burn-out, dégoût complet de la profession. Après des années de désengagement dans le système de santé, les étudiants comme les professionnels souffrent.

Je suis devenu trop souvent indispensable au bon fonctionnement de l'hôpital public. Et pourtant, poids supplémentaire que je dois assumer, lorsque la rémunération n'est pas absente, celle-ci ne me permet pas toujours de subvenir à mes besoins. Loin de là. Il est important de le rappeler : certains d'entre nous touchent seulement 80ct de l'heure tandis que pour d'autres, au bout de 7 ans d'étude, l'équivalent SMIC horaire n'est toujours pas atteint.

J'accuse les politiques publiques du peu de considération accordé à la détresse psychologique touchant nombre d'entre nous.

Malgré les chiffres alarmants, malgré les témoignages qui affluent, moi, étudiant en santé, ne peux que constater un défaut de moyens financiers et humains alloués à notre santé mentale. Dispositifs d'aide et de prévention des risques psychosociaux inexistants, insuffisants, inconnus ou inaccessibles, seule une minorité d'entre nous peut espérer y trouver aide et écoute.

Depuis des années, nous alertons sur nos conditions d'études dégradées et notre mal-être grandissant. Mais à l'image du Centre National d'Appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA), créé en 2019 sur proposition de nos ministères de tutelles pour améliorer notre qualité de vie, les réponses apportées restent bien trop loin de nos besoins. Là où nous demandons des actions de prévention concrètes, la présence de structure d'aides visibles, efficientes et dotées de moyens suffisants et une formation de nos enseignants à dépister, soutenir et orienter les étudiants en détresse ; moi, futur soignant, n'obtiens qu'une considération de second plan pour ma propre santé.

Il n'est plus temps de réagir après des drames. Des drames que chaque année, nous vivons. Des drames dont chaque année, nous sommes les témoins impuissants. Les clés pour agir et prévenir existent, il est temps de s'en saisir !

Aujourd'hui, j'accuse.

J'accuse pour briser le tabou qui règne autour de notre santé mentale. J'accuse pour dire stop à l'omerta qui règne à l'hôpital. J'accuse pour mettre fin au silence qui plane autour de notre souffrance. J'accuse pour que plus aucun d'entre nous ne se sente oublié.

J'accuse pour que des solutions préventives remplacent les mesures palliatives. J'accuse mais j'espère une prise de conscience et des réponses pour nous soulager, parce qu'il en existe et qu'elles ne demandent qu'à être mises en place.
Il ne s'agit plus seulement de nous entendre, acceptez enfin d'écouter ce que nous avons à dire. Acceptez d'agir.

J'accuse aujourd'hui pour que demain soit meilleur.

Prenez soin de nous pour qu'on puisse prendre soin de vous,

Pour nous, pour vous, pour tous."

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