La création d'un steak à partir de cellules souches en août a agité les médias et la communauté scientifique : et si les biotechnologies pouvaient répondre à la problématique de la faim dans le monde ? Les changements dans les modes de consommation dans les pays émergents et en développement (calquant les pratiques occidentales), les questions environnementales liées à l'élevage ou encore l'appauvrissement des sols souligne ce stress alimentaire. Les biotechnologies semblent être une alternative aux pratiques agricoles traditionnelles. Mais malgré toutes ces promesses, de nombreux problèmes, scientifiques comme éthiques, demeurent. Comment concilier enjeu planétaire vital et sécurité sanitaire ?
Jean-Philippe De Oliveira, enseignant-chercheur responsable des sciences humaines et sociales à Sup'Biotech, apporte des éléments de réponse.
Résoudre la crise alimentaire ?
« L'exemple du steak créé à partir de cellules souches de vache est le parfait exemple de comment les biotechnologies pourraient résoudre la crise alimentaire imminente, commente Jean-Philippe De Oliveira. Mais cela soulève évidemment une multitude de nouvelles questions : que peuvent entraîner les manipulations génétiques de cellules souches, d'un point de vue sanitaire ? Comment cette pratique pourrait être amenée à évoluer ? » Le fait de pouvoir manipuler le vivant fait l'objet de beaucoup de fantasmes mais aussi de craintes et le rôle de l'expert en biotechnologies est précisément de faire la part des choses et de rassurer sur ces questions en évaluant le plus précisément possible les risques envisageables. Car les biotechnologies peuvent répondre aux enjeux majeurs des prochaines décennies, que ce soit dans le domaine de la médecine que de l'alimentation.
Réduire les risques
Si une multitude d'institutions et de comités éthiques existent pour encadrer ces pratiques, ils ne peuvent pas avoir conscience de toutes les dérives possibles, volontaires ou non. « Il y a situation d'urgence (alimentaire ici), mais dans le même temps, nous demandons l'expertise la plus précise pour prévenir de tous les risques (sanitaires, environnementaux...) possibles, ce qui demande énormément de temps. » La situation est similaire au sujet des organismes génétiquement modifiés (OGM). Ils peuvent répondre à des enjeux lourds (faire pousser des plantes alimentaires dans des régions peu adaptées aux cultures). Mais on ne connaît pas encore tous les risques sanitaires possibles, ni la manière dont ces plantes vont être amenées à muter. La maîtrise de ces techniques est loin d'être totale.
Une conscience élargie
Dans ce contexte, l'expert en biotechnologies « peut avoir deux rôles, selon Jean-Philippe De Oliveira. En tant que simple observateur, il peut mener une veille scientifique et administrative. Ainsi, il peut prévenir les entreprises des risques et opportunités envisageables dans ces domaines particuliers. Un outil comme REACH, mis en place par la Commission européenne, est très utile dans ce cadre. Son autre rôle est plus proactif : en conduisant ses propres recherches, il pourra évaluer les risques potentiels via une méthodologie rigoureuse. »
Il en va de l'avenir de la planète : l'urgence alimentaire est bien réelle. Les récents articles sur la dette écologique et sur le « jour du dépassement » soulignent cet enjeu. Les OGM peuvent multiplier les rendements agricoles actuels par deux en offrant aux populations des plantes plus nourrissantes. Les cellules souches peuvent répondre à la demande croissante en viande tout en réduisant l'impact écologique nécessaire à élever les animaux (pour un kilo de bœuf, il faut quinze kilos de végétaux). Le rôle de l'expert en biotechnologies est de faire en sorte que ces solutions puissent voir le jour dans un cadre sanitaire et écologique sûr.
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