Le cancer du sein et les parabènes : faut-il s'inquiéter ?

Le cancer du sein est une des pathologies malignes les plus fréquentes en Europe occidentale, responsable du plus grand nombre de morts par cancer chez les femmes. Un article de 3 étudiants.

Publié le 23 juin 2010

par B.Avignon, A.Bellard, C. Joubert et f. Koné (promotion 2013)

Le cancer du sein est une des pathologies malignes les plus fréquentes en Europe occidentale. Elle est responsable du plus grand nombre de morts par cancer chez les femmes. Elle a ainsi causé en France 11 299 décès en 20061. Une partie des cancers du sein sont induits par les œstrogènes. L'augmentation des cancers induits par les œstrogènes est en corrélation avec celle des ventes de produits cosmétiques contenant des molécules similaires1. Plusieurs études ont analysé les liens existant entre les produits imitant les effets oestrogéniques et pouvant entraîner le développement du cancer du sein. La polémique sur les sels d'aluminiums, un produit imitant les effets oestrogéniques, a été lancée par l'article d'une femme chercheur brésilienne2. Cette étude a été fortement remise en cause par la communauté scientifique car l'échantillon utilisé n'était pas représentatif de la population. Une forte médiatisation de cette étude a poussé les chercheurs à s'intéresser à ce sujet. Parmi eux, le professeur Philippa Darbre a publié une étude3 sur les divers substituants aux œstrogènes tels que les sels d'aluminiums et les parabènes.

Les parabènes : des perturbateurs endocriniens

Les parabènes, appelés "alkyl d'éther d'acide para-hydroxybenzoïque", sont des molécules synthétiques dérivées du pétrole. Elles sont utilisées comme conservateurs dans des produits cosmétiques tels les shampoings, les gels douche, les nettoyants pour le visage, les fonds de teint, les déodorants, les dentifrices et les parfums. Ils sont aussi utilisés dans la conservation de certains aliments : la gelée de viande, en traitement de surface des produits à base de viande séchée, de céréales ou de pommes de terre. Les parabènes les plus couramment utilisés sont les méthyl-, éthyl-, propyl- et butyl-parabènes. Ils sont immunotoxiques, neurotoxiques et irritent la peau. Leur toxicité provient de leurs propriétés bactéricides, ce qui explique d'ailleurs leur utilisation comme conservateur3. Les sels d'aluminium, remplissent la même fonction que les parabènes (bactéricidie). L'absorption locale cutanée des sels d'aluminium des anti-transpirants est très élevée et ce, qu'ils soient sous forme de chlorure d'aluminium ou de chlorhydrate d'aluminium. Cependant, ils sont également largement employés.

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Dans l'étude du Pr Darbre3, les sels d'aluminiums sont sévèrement critiqués pour leur forte toxicité démontrée à travers la peau de souris et au niveau des aisselles de l'homme, ainsi que leurs interférences avec les récepteurs à œstrogènes. Aujourd'hui, ce même effet est attribué aux parabènes. En effet, ces derniers perturberaient le système endocrinien. Ce système est composé d'hormones produites par des glandes et organes comme le pancréas ou les ovaires4. Les hormones produites agissent sur la croissance, le développement, la reproduction et le comportement. Les parabènes interagissent avec ces hormones et induisent des dérèglements pouvant aller jusqu'à engendrer l'apparition de cancers. Après avoir traversé la peau et les parois vasculaires, ils sont susceptibles d'agir sur le système digestif par exemple. Ils imitent l'action des œstrogènes en se fixant sur les récepteurs d'œstrogènes des cellules à la place de l'œstradiol, c'est pourquoi on les appelle xéno-estrogènes - xéno venant du grec xénos signifiant étranger - ou encore perturbateurs endocriniens. Les parabènes sont à l'origine de l'augmentation de l'expression des gènes normalement régulés par l'œstradiol et induisent donc la prolifération anarchique des cellules3. Ainsi, le Pr. Darbre montre4 que, les parabènes et les sels d'aluminium peuvent passer à travers les barrières lipidiques telles que les membranes cellulaires et ainsi s'accumuler dans les tissus du sein. Malgré leurs faibles concentrations dans les produits, on ne peut négliger le fait que l'on retrouve une part de ces xéno-estrogènes dans les tissus mammaires tumoraux.

Quelles sont les mesures gouvernementales ?

Depuis 2004, la quantité consommée du parabène et ses dérivés considérée comme acceptable a été établie par le comité scientifique de l'alimentation de la communauté européenne (Scientific Committee on Food). Ce groupe de scientifiques habilité à évaluer le risque de consommation d'additifs alimentaires l'a plafonnée à 10 mg/kg/jour5. Cependant, il préconise également d'effectuer des études complémentaires, notamment sur les voies empruntées par les parabènes dans l'organisme, grande inconnue des chercheurs jusqu'à présent. Les deux grandes inquiétudes des gouvernements portent sur les effets avérés des parabènes et autres xéno-estrogènes sur la reproduction de l'homme et leurs impacts sur l'environnement, l'hypothétique élévation des cancers du sein et des testicules n'arrivant qu'en troisième position.

On retrouverait environ 60 % de méthyl-parabènes appliqués localement dans les tissus cancéreux et environ 10 % des produits cosmétiques comportent un étiquetage inexact sur leur quantité de parabènes2. Malgré des conclusions aussi préoccupantes, le parabène ne fait pas parti des substances soumises au règlement REACH6 ou même pour la veille toxicologique en générale en France7. Néanmoins, son étude et sa régulation sur le marché sont englobées dans les mesures 7 et 8 du Plan National Santé Environnement numéro 28 (PNSE2), qui a débuté en 2009 et s'étendra jusqu'à 2013. Envisagé lors du Grenelle de l'environnement, ce plan poursuit les mêmes objectifs que le premier, employant 400 millions d'euros et des solutions applicables régionalement.

Un programme d'étude lancé en 2005 portant sur les diverses conséquences des perturbateurs endocriniens (PE) nommé programme national de recherches sur les PE (PNRPE) présentera ses conclusions le 12 avril 20109. En attendant que les conclusions soient révélées au grand public, il serait plus sage d'éviter les apports excessifs de parabènes.

Bibliographie :

1. Moïse Namer, Elisabeth Luporsi, Joseph Gligorov, François Lokiec, Marc Spielmann « L'utilisation de deodorants/antitranspirants ne constitue pas un risque de cancer du sein », Bulletin du Cancer (Volume 95, Numéro 9, 871-80, septembre 2008).

2. KG McGrath, «An earlier age of breast cancer diagnosis related to more frequent use of antiperspirants/deodorants and underarm shaving», European Journal of Cancer Prevention (numéro 12 ,479-485, 30 juillet 2003).

3. P.Darbre, «Environmental oestrogens, cosmetics and breast cancer», Best Practice & Research Clinical Endocrinology & Metabolism (volume 20, Numero 1, 121-143, 2006).

4. Plaquette : http://www.afsset.fr/upload/bibliotheque/771953541745249614035691288700/11_perturbateurs_systeme_endocrinien.pdf

5. « Avis du groupe scientifique sur les additifs alimentaires, les arômes, les auxiliaires technologiques et les matériaux en contact avec les aliments à la demande de la Commission concernant les para hydroxybenzoates (E 214-219) », The EFSA Journal (Numéro 83, 2004).

6. « Avis de la Commission des Produits Chimiques et Biocides du 22 juin 2009 relatif aux substances extrêmement préoccupantes à proposer par la France en vue d'une inclusion à l'annexe XIV des substances soumises à autorisation du règlement Reach » : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/avis_CPCB_SVHC_090622-2.pdf

7. Rapport de vigilance de l'Afssaps numéro 27, 2005 : http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/a04645817043e01235bf03bc49f76f07.pdf

8. Plus d'information sur le PNSE2 : http://www.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=article&id_article=7323 et http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PNSE_2_OO.pdf

9. Se renseigner sur le colloque : http://www.polynome.fr/pnrpe


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