Interview de l'Unef

Quelques questions d'actualité au président de l'UNEF, Bruno JULLIARD!

Publié le 18 juin 2007

CAPCAMPUS

Après avoir présenté brièvement votre syndicat, pouvez vous nous rappeler les valeurs que vous défendez?

Bruno JULLIARD

L’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) est aujourd’hui la première organisation étudiante, forte de plus de 60 sections locales regroupant près de 35 000 adhérents. Présente dans la quasi-totalité des conseils des universités et représentative dans les instances nationales (CNESER et CNOUS) l’UNEF a pour objectif la défense des intérêts matériels et moraux des étudiants. Au quotidien, l’UNEF informe et défend les étudiants, elle organise la solidarité au sein des campus via les services matériels qu’elle propose à ses adhérents et aux étudiants.

L’UNEF milite en faveur d’un enseignement supérieur public et laïc qui permette à tous les jeunes d’accéder aux études supérieures, d’y réussir et de s’insérer durablement dans la vie active. Nous assignons deux missions à l’université : favoriser l’émancipation intellectuelle et la formation citoyenne de chacun et permettre une insertion professionnelle de qualité.


CAPCAMPUS

Quels sont, selon vous, les principaux maux qui touchent actuellement la vie étudiante et l'enseignement supérieur?

Bruno JULLIARD

Ces deux questions n’en font qu’une : la situation sociale des étudiants et la structure de l’enseignement supérieur sont deux chantiers indissociables. L’UNEF fait aujourd’hui le constat d’une massification réussie de l’enseignement supérieur avec plus de 2 millions d’étudiants contre 100 000 au sortir de la deuxième guerre mondiale. Mais l’université, qui n’a pas su s’adapter aux nouveaux publics, connaît aujourd’hui une très forte reproduction sociale en son sein : si les classes populaires accèdent aujourd’hui aux études supérieures, elles sont aussi les premières à subir de plein fouet l’échec massif des premiers cycles. La proportion des fils et filles de cadres est bien supérieure en Master qu’en Licence (inversement pour les fils et filles d’ouvriers). Il faut donc réussir le pari de la démocratisation après celui réussi de la massification, ce qui nécessite une profonde réforme du système d’aide sociale étudiant et des modes de transmission des savoirs.


CAPCAMPUS

Que pensez-vous de la défiscalisation des emplois étudiants promis par Mr Bertrand?


Bruno JULLIARD

La défiscalisation du travail étudiant participe d’un bon objectif mais elle est loin d’être la priorité pour résorber la précarité des étudiants. Un bon objectif, car les 200 000 étudiants boursiers qui sont aujourd’hui contraints de se salarier en complément de leur bourse sont pénalisés par la prise en compte de leurs revenus dans le calcul des aides. Cette mesure mettra fin au cercle vicieux des étudiants boursiers qui se salarient et qui voient en retour leur bourse diminuer.


Mais la fiscalité n’est pas le bon levier pour lutter contre la forte baisse du pouvoir d’achat des étudiants car dans leur immense majorité les étudiants ne payent pas d’impôt (pour un contribuable célibataire, l’imposition sur le revenu débute à 12 500 € annuel, ce qui équivaut à un temps partiel de plus de 80% !). Ce dispositif agira en fait comme une énième mesure en faveur des familles les plus riches qui bénéficieront d’une exonération fiscale plus importante. En définitive ce sont les inégalités qui vont se creuser et le gouvernement devrait plutôt consacrer des moyens supplémentaires à l’augmentation du nombre et du montant des bourses.


CAPCAMPUS

Quelles sont vos attentes concernant la réforme des universités, notamment l'autonomie des universités, que vise d'entreprendre le nouveau ministère

?

Bruno JULLIARD

A l’occasion de son 80ème congrès national, en mars dernier, l’UNEF a interpellé l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle sur la nécessité de réformer en profondeur l’enseignement supérieur en lui donnant les moyens de remplir ses missions. Ce que nous propose le nouveau ministère c’est une réforme du seul fonctionnement des universités et il serait illusoire de penser qu’à elle seule elle permettra une démocratisation effective de l’université.


Malgré un calendrier très resserré, l’UNEF a décidé de s’engager pleinement dans les concertations pour faire part de ses propositions et de ses lignes jaunes. Nos attentes portent avant tout sur le respect des engagements de la ministre : la loi devra réaffirmer l’accès de droit des bacheliers dans la filière de leur choix, la réglementation nationale des droits de scolarité ainsi que le caractère national des diplômes.


En matière de gouvernance, la réforme doit permettre aux universités d’exister réellement en réduisant le poids des UFR, survivances des facultés corporatistes. Elle devra également favoriser l’expression démocratique de la communauté universitaire.


La loi doit être l’occasion de revenir sur la mise en place désordonnée et dans la plus grande opacité des Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) : il faut rétablir la direction démocratique de ces établissements, notamment la représentation étudiante (quasi inexistante aujourd’hui) et délimiter clairement les prérogatives relevant des universités et celle relevant des PRES.


Cette réforme doit être également l’occasion d’améliorer le pilotage stratégique ainsi que la transparence budgétaire des universités. Pour cela, la loi doit garantir la transparence du contrat quadriennal et des critères d’attribution, garantissant ainsi l’égalité d’attribution des moyens aux universités. Améliorer le pilotage budgétaire c’est aussi remettre à plat les normes de répartition des moyens budgétaires entre les établissements (San Remo) pour relever les taux d’encadrement des filières de lettres et de sciences sociales fortement distancées par les disciplines scientifiques.


Offre de formation, définition de la carte universitaire et de l’implantation des universités…le contrôle de l’Etat dans de nombreux domaine ne s’effectue pas de manière satisfaisante, n’assurant pas le respect de l’égalité sur le territoire. La loi doit s’atteler à renforcer son rôle de pilote et de régulateur.


CAPCAMPUS

Que pensez-vous de l'efficacité de la "charte des stages en entreprises" signée en 2006? Quelles sont selon vous les réformes nécessaires à l'amélioration du statut de stagiaire?

Bruno JULLIARD

De l’aveu même du ministre du travail, Xavier Bertrand, la charte des stages signée en 2006 n’a pas trouvé véritablement d’application en raison de son caractère non contraignant. C’est la raison pour laquelle l’UNEF avait refusé de signer cette charte élaborée en catimini pendant la mobilisation contre le CPE dans le seul but de calmer les étudiants. Cette véritable opération de communication avait abouti à une charte des stages sans contenu ni valeur contraignante pour les entreprises.


Près de 800 000 stagiaires connaissent une situation de grande précarité et remplacent trop souvent de véritables emplois salariés (80 000). Le stage est très fréquemment un outil au service des entreprises pour bénéficier de jeunes diplômés bon marché, au lieu de les recruter sur un poste de salarié. Pour mettre fin à la situation intolérable que connaissent les stagiaires, il est nécessaire de mettre en place une réglementation se traduisant par l’inscription du statut des stagiaires dans le code du travail.

Le stage doit donner lieu à une rémunération dès le premier mois, sur une base de 50% du SMIC minimum, variant ensuite en fonction du niveau de qualification et de la durée du stage. La loi doit garantir au stagiaire un encadrement pédagogique, dans l’établissement d’enseignement supérieur et dans l’entreprise. Enfin, des dispositions contraignantes doivent être prises pour empêcher que des stagiaires ne remplacent des salariés : interdiction des stages hors cursus, limitation de la durée des stages…


CAPCAMPUS

Pensez-vous que le système de bourse actuel fait preuve de suffisamment d'équité?

Bruno JULLIARD

Le système d’aide sociale étudiant est à la fois illisible, insuffisant et profondément injuste. Illisible en raison du grand nombre d’aide qui existe en direction des étudiants qui ne s’y retrouvent pas. Insuffisant car plus de 800 000 étudiants sont obligés de se salarier pour financer leurs études alors qu’ils devraient se consacrer pleinement à leur période de formation initiale. 200 000 d’entre eux sont également boursiers, ce qui montre l’urgence à investir dans le système de bourse (la bourse maximale est de 300 € par mois).

Le système d’aide est enfin profondément injuste car l’Etat dépense chaque année davantage en exonération fiscale à destination des 50% de familles les plus riches (1,7 milliard d’euros) qu’il ne met de moyens en direction des étudiants issus de milieux modeste les bourses (1,3 milliards).


CAPCAMPUS

Quelles sont vos principales attentes, concernant les réformes sur l'amélioration des conditions de vie étudiante, notamment le problème des logements ?

Bruno JULLIARD

L’amélioration des conditions de vie des étudiants est un chantier d’importance d’autant qu’il a été fortement délaissé ces 5 dernières années. A plusieurs reprises l’UNEF a dénoncé la dégradation du pouvoir d’achat des étudiants liée à la hausse des dépenses obligatoires (droits de scolarité, loyers, cotisation au régime de sécurité sociale…) et à la stagnation des aides directes aux étudiants. Depuis 2002, la revalorisation des bourses s’est révélée inférieure à l’inflation. La conséquence mécanique est le développement du salariat étudiant et l’augmentation de la précarité (près de 100 000 étudiants vivent sous le seuil de pauvreté).


Nous attendons donc que la ministre fasse de la résorption de la précarité une priorité pour les mois à venir. Un collectif budgétaire doit financer, dès la rentrée 2007, un 10ème mois de bourses incluant les « boursiers échelons 0 », qui permette de rattraper le pouvoir d’achat perdu depuis 2002 et d’adapter le système à l’étalement du calendrier universitaire. L’UNEF demande une augmentation du montant des bourses de 10% par an en 5 ans et un accroissement du nombre de boursiers en direction des classes moyennes afin de passer de 30% à 40% d’étudiants boursiers. En matière de logement, le gouvernement doit engager une politique volontariste permettant de loger 10% des étudiants en logement CROUS d’ici 2014, en opérant un rattrapage des retards du Plan Anciaux de 2004.


CAPCAMPUS

Orientation et échec scolaire en premier cycle : Est ce le résultat d’une sélection / orientation défaillante en amont ? Avez-vous des solutions ?

Bruno JULLIARD

Certes il existe des problèmes d’orientation cependant ce n’est pas la seule cause d’échec en premier cycle. L’enseignement supérieur a vu ses effectifs décupler en 30 ans en passant de 200 000 étudiants en 1960 à 2,2 millions en 1990. L’université a réalisé sa massification mais doit encore réussir sa démocratisation. L’échec en premier cycle est très important. L’université est ouverte à tous mais elle produit 60% de redoublants en première année et 150 000 jeunes en sortent sans qualification.


Le fonctionnement de l’enseignement est tel que l’échec frappe prioritairement les jeunes issus des milieux les plus modestes, qui échouent lors du premier cycle universitaire. Alors que tous les jeunes ne possèdent pas le même bagage culturel, les méthodes pédagogiques appliquées à l’université partent du principe que les étudiants sont tous suffisamment et également armés pour conduire une démarche d’apprentissage autonome. Au contraire, afin de permettre à tous les étudiants de réussir à l’université, il est nécessaire d’individualiser la pédagogie.


En première année, les cours en amphi doivent être remplacés par des cours en petits groupes. Le premier semestre doit être un semestre de choix, basé sur l’apprentissage des méthodes universitaires et sur la découverte des différentes filières d’un grand domaine. Les volumes horaires en licence doivent être augmentés. Il est nécessaire de mieux valoriser la pédagogie dans la carrière et la formation des enseignants. Concernant l’orientation, l’accompagnement et le suivi des étudiants doivent être améliorés.


CAPCAMPUS

Alternance / Apprentissage : une difficile rencontre entre étudiant et entreprise. Pas toujours facile de trouver une entreprise d’accueil. Votre vision ?

Bruno JULLIARD

L’alternance et l’apprentissage ne sont pas les seules solutions pour que les étudiants entrent en contact avec les milieux socio-économiques. Leur développement ne saurait être la seule solution pour améliorer la professionnalisation des formations. L’ensemble des formations doit permettre une insertion professionnelle durable des étudiants sur le marché du travail. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que de renforcer le cadre national des diplômes pour garantir la reconnaissance des qualifications. Les cursus doivent également évoluer en intégrant des UE de professionnalisation comprenant des modules de rédaction de CV, de préparation à un entretien ou encore du droit du travail. Par ailleurs les stages pourraient être développés, cependant ils doivent être règlementés. Il est nécessaire de créer un vrai statut du stagiaire faisant du stage une formation par la pratique.


CAPCAMPUS

Quelles sont vos attentes, concernant l'insertion professionnelle des diplômés, principale préoccupation des étudiants?

Bruno JULLIARD

La très forte mobilisation des jeunes contre le CPE au printemps dernier a mis en exergue les difficultés à s’insérer dans la vie active. En France, un jeune met en moyenne 11 ans à s’insérer durablement sur le marché du travail. Entre temps, il passe d’un CDD à un contrat d’intérim, à des niveaux de qualification souvent inférieurs à son diplôme. Trop souvent les jeunes servent de variables d’ajustement aux entreprises qui peuvent jouer de la crainte du chômage. Cette situation trouve sa principale origine sur le marché du travail et non à l’université. Celle-ci n’est pas responsable du chômage, ni des difficultés dans l’insertion professionnelle.


Néanmoins, les filières universitaires doivent être réformées pour faciliter l’insertion professionnelle des étudiants. L’UNEF propose l’extension des aides sociales étudiantes pendant un an après la fin des études pour couvrir la recherche du premier emploi. La démocratisation de l’insertion professionnelle doit être une réalité : tout diplômé de licence doit maîtriser une langue vivante et les NTIC et avoir accès à des modules de projet personnels et professionnels… Il s’agit enfin de travailler à la reconnaissance effective des qualifications universitaires dans les conventions collectives


Syndicat étudiant


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