Quand l'économie expérimentale se penche sur le vin et le manga

Angela Sutan : « L’impact du manga peut remettre en question les modes de communication autour du vin »

Publié le 13 mai 2011

Angela Sutan, Responsable du LESSAC (Laboratoire d'Expérimentation en Sciences Sociales et Analyse des Comportements), réalise en ce moment une grande expérience visant à déterminer l'impact d'un nouveau type de communication sur le vin : le manga. Zoom en interview sur ce phénomène de société.

Vous menez au LESSAC une expérience sur le thème « Vin & Manga ». Pour quelles raisons ?

Tout est parti d'un manga sorti en 2004 au Japon et quelques années plus tard en France : Les Gouttes de Dieu. Les critiques ont vraiment été élogieuses et ce fut un véritable phénomène parmi les amateurs de vin. Certains ont même considéré que c'était mieux que n'importe quel guide ! Il est vrai que ce manga est à la fois très beau et très pédagogique, sous forme d'enquêtes. Aujourd'hui 17 tomes sont sortis en France et le manga continue toujours de paraître.

En fait, on s'est aperçu que les prix des vins présentés dans Les Gouttes de Dieu ont non seulement explosé, mais aujourd'hui ces vins sont tout bonnement introuvables ! Il était donc intéressant de mettre sur pied une expérience qui permette de vérifier l'impact des informations reçues par le biais d'un manga sur la perception et l'appréciation du vin.

En quoi consiste cette expérience exactement ?

Il s'agit d'une expérience d'économie expérimentale, menée dans le cadre de la recherche de l'école, qui concerne 120 étudiants, notamment des élèves du Groupe ESC Dijon-Bourgogne et des étudiants œnologues de l'IUVV (Institut Universitaire de la Vigne et du Vin). Nous avons la chance d'avoir pu mettre la main sur un des vins présentés dans Les Gouttes de Dieu. Nous allons donc donner aux gens le choix entre quatre sources d'information concernant des vins dégustés à l'aveugle, parmi lesquels celui du manga bien sûr.

A travers cela, on va pouvoir déterminer quel est le critère du choix, et donc la crédibilité ou l'impact espéré d'un mode de communication. Nous pourrons aussi voir si l'appréciation change en fonction des sources d'information, et dans quelles proportions. C'est la force de l'économie expérimentale et du LESSAC : on travaille sur des méthodes non déclaratives, ce qui rapproche du réel.

A quoi peut-on s'attendre en guise de conclusion de cette expérience ?

S'il s'avère que les gens vont vers le manga, il faut certainement se remettre en question sur les modes de communication autour du vin. Cela montrerait en particulier que l'aspect « storytelling » devient vraiment prégnant... et plus largement qu'on assiste peut-être à la fin des modèles traditionnels de ranking des vins.