Les métiers de l'ingénieur

Enquête sur cette fonction aux visages multiples suivant les secteurs ainsi que sur son évolution avec les directeurs des écoles EPITA, ESME Sudria et IPSA.

Publié le 02 août 2012

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La fonction « ingénieur » regroupe des réalités très différentes, suivant les secteurs et les domaines d'activités. Avec l'évolution rapide des techniques et des technologies, notamment de l'information et de la communication, la fonction et les métiers ont considérablement évolué. Et cette évolution se poursuit. Face aux défis actuels, qu'ils soient humains, environnementaux, techniques ou informatiques, les ingénieurs possèdent, plus que jamais, un rôle important à jouer, dans tous les domaines. Les points de vue des directeurs des trois écoles d'ingénieurs du Groupe IONIS : l'EPITA, l'ESME Sudria et l'IPSA.

Bien que la définition même de l'ingénieur évolue, il existe cependant un socle de compétences communes. Selon la Commission des titres d'ingénieur (CTI), habilitée à conférer depuis 1934 le titre d'ingénieur en France, « le métier de base de l'ingénieur consiste à poser et résoudre de manière toujours plus performante des problèmes souvent complexes, liés à la conception, à la réalisation et à la mise en oeuvre, au sein d'une organisation compétitive, de produits, de systèmes ou de services, éventuellement à leur financement et à leur commercialisation. A ce titre un ingénieur doit posséder un ensemble de savoirs techniques, économiques, sociaux et humains, reposant sur une solide culture scientifique. »

De la technique au management

« La fonction d'ingénieur a considérablement évolué dans les quinze dernières années, remarque Joël Courtois, directeur de l'EPITA. Nous sommes passés d'un métier extrêmement technique à un métier multifacettes, qui comprend aussi bien des éléments techniques, comme par le passé, que des éléments de management, de marketing voire de communication. On demande aujourd'hui à l'ingénieur de savoir gérer un problème complexe dans un environnement international, aussi bien d'un point de vue financier, marketing que technique. Il doit donc se comporter comme un véritable chef d'entreprise, capable d'imaginer des solutions, d'en tester la faisabilité, de les réaliser et d'encadre leur intégration chez le client. Il doit savoir gérer des éléments techniques, financiers, humains, des éléments de droit... On ne sectorise plus les différentes facettes du métier d'ingénieur. L'ingénieur doit être capable de donner son avis et de comprendre les décisions. Les ingénieurs informatiques sont d'ailleurs très bien placés pour occuper des postes de dirigeants, car ils sont spécialistes d'un domaine qui impacte l'ensemble de l'entreprise et qui offre une visibilité globale. »

Pour Roger Ceschi, directeur général de l'ESME Sudria, « la question que l'on peut se poser est la suivante : dans quel secteur, dans quelle activité, n'a-t-on pas besoin d'ingénieurs ? On ne peut imaginer le monde d'aujourd'hui et de demain sans ingénieur. L'ingénieur se doit d'imaginer l'avenir et depuis que l'homme recherche le meilleur pour son espèce il n'a eu de cesse d'améliorer ses conditions de vie. On pourrait citer de multiples domaines dans lesquels son investissement a été décisif : santé, vie quotidienne, communication, transports, énergie... Bref l'ingénieur construit le futur. »

Maillon indispensable de l'innovation

« De tout temps, un ingénieur a été celui qui doit trouver des solutions originales à un problème concret, quel qu'il soit, explique Hervé Renaudeau, directeur général de l'IPSA. Aujourd'hui, cela est encore plus vrai, car l'innovation est la clé de survie des entreprises dans un monde encore plus concurrentiel. Cette capacité à innover, à trouver des solutions neuves et innovantes doit être encore plus forte chez les ingénieurs. Les qualités attendues d'un ingénieur sont au fond les mêmes entre hier et aujourd'hui, c'est finalement l'environnement qui change. Nous évoluons dans un monde qui va de plus en plus vite avec des nouvelles technologies et des évolutions au niveau scientifique, technique, de l'environnement socioéconomique, politique... Tout cela conduit l'ingénieur, comme par le passé, à devoir faire de la veille, ce qui a toujours été une nécessité, mais plus encore aujourd'hui, car on peut être très vite dépassé. Il faut donc être à l'affût des changements et des innovations pour trouver les meilleures solutions. »

Un point de vue partagé par le directeur général de l'ESME Sudria : « Pour la plupart des ingénieurs que nous formons, s'ils ne seront pas des spécialistes dans tous les domaines, ce qui est impossible, ils seront des femmes et des hommes capables de dialoguer avec ces spécialistes de plusieurs secteurs, des scientifiques des différentes disciplines, des responsables de production, des gestionnaires, des commerciaux, des communicants, etc. Ils seront des managers d'équipes, responsables projets dans tous les types d'entreprises, petites et grandes, et d'administrations et leurs aptitudes en langue anglaise leur permettront de se positionner sur tous les continents. Leur spectre, large et diversifié par leur profil multidisciplinaire en « Electrical Engineering », leur permettra de guider et d'animer des équipes afin de créer des nouveaux produits, donc de la richesse et des emplois et ainsi de favoriser le développement économique, élément moteur de la civilisation. »

Quelle(s) formation(s) ?

Selon les critères d'évaluation de la CTI, les ingénieurs français suivent une formation en cinq ans après le baccalauréat, leur permettant d'acquérir une solide culture scientifique multidisciplinaire et une spécialisation plus ou moins forte selon les cursus : « Dans tous les cas, au moins 20 % du temps de formation est consacré à l'acquisition de compétences professionnelles nécessaires aux entreprises : conduite de projet, appréhension des aspects économiques et financiers du métier d'ingénieur, niveau certifié en anglais. Tous les élèves ingénieurs effectuent aussi un minimum de 28 semaines de stage en entreprise et la plupart d'entre eux effectuent un semestre de formation à l'étranger, soit en échange académique soit en stage industriel. » Le titre d'ingénieur diplômé délivre automatiquement à son titulaire le grade de Master, conforme aux standards internationaux et en particulier à ceux de l'Union européenne.

En ce qui concerne l'informatique et les nouvelles technologies, « ces évolutions possèdent un grand impact sur la formation, poursuit Joël Courtois. Auparavant, nous recherchions des profils ouverts, curieux, qui s'intéressaient à de nombreux domaines et qui avaient envie de s'immerger dans les technologies de l'information, sachant qu'ils allaient appliquer leurs compétences technologiques à des domaines très variés, en restant surtout dans la phase de réalisation de projets et d'imagination de solutions. Aujourd'hui, nous leur demandons en plus d'être des managers, de s'intéresser à la gestion, au marketing, au droit, à la finance, aux ressources humaines. Comme le profil de l'ingénieur évolue, il nous faut désormais accueillir des jeunes prêts à prendre en compte ces nouvelles dimensions. Bien sûr, on ne peut pas faire abstraction de la dimension technique et scientifique, mais aujourd'hui, nos promotions sont composées de diplômés qui savent conjuguer passion et un profil généraliste. »

Pour Hervé Renaudeau, « nous devons nous adapter. Nous ne nous pouvons ainsi plus nous contenter d'enseigner l'anglais de façon traditionnelle comme c'était le cas il y a quelques années. Même si un ingénieur a toujours dû parler anglais, aujourd'hui cela va plus loin. L'ingénieur doit posséder une compréhension des cultures, des différences, des approches des différentes populations. Cette nécessité de devoir traiter avec un environnement multiculturel est encore plus impérieuse. C'est pour cela que nos élèves passent au minimum un semestre à l'étranger, pour découvrir une nouvelle culture. Ils doivent expérimenter un nouvel environnement qui dépasse le simple cadre des cours. »

« L'ingénieur a besoin de développer des compétences managériales, car ses compétences technologiques ne sont pas toujours au coeur de son métier dans l'entreprise et ne sont plus toujours suffisantes. Le métier d'ingénieur est divers, poursuit Roger Ceschi. Pour autant, dans certains secteurs, la demande en ingénieurs est très forte. C'est le cas des secteurs des TIC, des transports, de l'énergie au sens de la production, de la santé et des moyens dédiés au diagnostic, des nanotechnologies, et bien d'autres dans lesquels la France a un leadership ou pour le moins un certain niveau à conserver. »

L'ingénieur, mal connu des jeunes et des femmes

La vaste palette de secteurs concernés par les métiers de l'ingénieur présente une difficulté pour sensibiliser les plus jeunes aux carrières offertes par un diplôme d'ingénieur. La France enregistre une pénurie de candidats, comme le note Hervé Renaudeau : « Tout le monde sait ce qu'est un avocat ou un médecin. Mais un ingénieur ? C'est finalement une panoplie très large de métiers possibles. Beaucoup de jeunes et un certain nombre de familles ont du mal à définir ce qu'est la réalité de ce métier. C'est pour cela que nous avons mis en place cette année, dans le cadre du Concours Advance, des journées de découvertes du métier et de la formation d'ingénieur. » D'après le directeur de l'EPITA, « le métier d'ingénieur, associé pendant très longtemps à une composante très technique, a rendu la place des femmes relativement minoritaire, avec un peu près de 25 % des ingénieurs. Dans le domaine des nouvelles technologies, leur proportion tombe à 10 % ! Et cela pénalise le secteur, car les applications et les produits développés sont essentiellement imaginés par des hommes. Il y a une énorme demande des entreprises pour des équipes mixtes. Ce phénomène de « rareté » est un atout pour les ingénieures qui du coup possèdent une plus grande marge de négociation en termes de salaires. »

La globalisation de l'environnement et des techniques a directement impacté les métiers mêmes de l'ingénieur ainsi que la formation. Aujourd'hui plus encore qu'hier, embrasser une carrière d'ingénieur offre la possibilité d'évoluer dans les métiers et les secteurs les plus divers. Selon le directeur général de l'IPSA, « un seul diplôme, celui d'ingénieur, ouvre une palette extrêmement large de métiers, encore plus large aujourd'hui que dans le passé. On trouve des ingénieurs dans tous les domaines d'activités, y compris dans la finance. Cela peut paraître un comble, mais la formation de l'ingénieur, sa formation au raisonnement, sa capacité d'aborder les problèmes avec un oeil neuf, lui permettent de s'adresser à d'autres secteurs d'activités. Sa capacité d'adaptation fait partie de ses attributs. On pourrait résumer la situation ainsi : l'ingénieur est passé du statut d'homme des équations à celui d'homme de l'adéquation, qui développe des solutions qui répondent à l'ensemble des contraintes. »


Epita


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