Anoushka Shankar et Karsh Kale : Album Breathing Under Water

Dans les bas le 1er Octobre

Publié le 20 septembre 2007

Depuis l’époque où Ravi Shankar, le maître du sitar, a fait découvrir aux oreilles occidentales la musique classique indienne, le monde vibre de nouvelles fusions culturelles. Ces brassages sont flagrants dans la musique, des Beatles à Led Zeppelin, de Shakti au Mahavishnu Orchestra, et notamment, aujourd’hui, dans celle proposée par Anoushka Shankar et Karsh Kale. Imaginez vivre dans un monde où les raves psychédéliques succéderaient aux récitals classiques et où les personnages des films de Bollywood traîneraient dans des salles de rock. Un monde où les yogis de la West Coast seraient immergés dans la culture orientale et où l’underground new-yorkais tirerait son inspiration de la scène dance de New Delhi, où la globalisation serait naturelle et totale, et où les frontières seraient faites pour être franchies. C’est le monde dans lequel vivent et voyagent Anoushka Shankar et Karsh Kale. “Breathing Under Water” est la bande originale de ce périple, organisé par deux talents parmi les plus visionnaires de leur époque, qui foulent les territoires fertiles de la world music actuelle.
Cet album a été minutieusement composé et agencé, et bénéficie des présences de musiciens du calibre de Ravi Shankar (qui a contribué au disque via “Oceanic Parts 1 & 2”), parmi lesquels Sting, Norah Jones (la sœur d’Anoushka), Midival Punditz, Vishwa Mohan Bhatt, Noah Lembersky, Shankar Mahadevan et Sunidhi Chauhan. “Breathing Under Water” est journal de voyage moderne dont les pages décrivent le monde séduisant de Shankar et Kale.

Si on considère leurs parcours parallèles, il était presque inévitable que Anoushka Shankar, joueuse de sitar et compositrice âgée de vingt-cinq ans (et fille du légendaire Ravi Shankar), rencontre et travaille avec le multi-instrumentiste Karsh Kale (Kursh Kah-lay). Comme Shankar, ce dernier a été élevé en Amérique par des parents indiens, et a montré un talent précoce pour la musique en tant que membre fondateur du groupe Tabla Beat Science puis, plus tard, en produisant et composant de la world music électronique particulièrement pertinente. En tant qu’artistes solos, ils ont enregistré chacun quatre albums. Dans leurs derniers, “Rise” (Shankar) et “Broken English” (Kale), ils s’aventuraient tous les deux sur des chemins musicaux multidimensionnels au plan créatif. “Breathing Under Water” signale la convergence de ces chemins et c’est la première fois que leurs noms sont associés sur un enregistrement.

Dire que “Breathing Under Water” équivaut à un bond en avant dans la carrière de Shankar et Kale est un euphémisme. Il témoigne de leur maturation en tant que musiciens qui ont su repousser les limites des rôles pour lesquels ont les connaît : Shankar montre ici des talents de productrice de musique électronique, de claviériste et de parolière, tandis que Kale se distingue en tant que compositeur, chanteur et multi-instrumentiste (guitares, tabla, batterie, claviers et basse). Leur dénominateur commun est le répertoire indien classique. De la même manière que les artistes rock puisent dans le blues, et les artistes hip hop, dans le jazz et la funk, Kale et Shankar maintiennent la musique indienne classique au centre de tout ce qu’ils créent, tout en lui permettant d’évoluer au-delà de ses frontières traditionnelles.
“Les chansons de ‘Breathing Under Water’ ont été écrites de manière organique, au sitar et à la guitare sèche avant qu’on les emmène dans des directions différentes” dit Kale. “Nous avons composé de deux façons différentes, ajoute Shankar. Certaines chansons ont été orchestrées à partir de la mélodie, et d’autres, comme ‘Slither’ ou ‘PD7’, proviennent de programmations sur l’ordinateur.” Deux des producteurs indiens les plus fameux, Gaurav Raina (réputé pour son travail avec Midival Punditz) et Salim Merchant (compositeur et claviériste particulièrement prolifique de Bollywood), ont accompagné le duo en studio. “Ils nous ont aidés à collaborer, indique Kale. Ils nous ont donné la possibilité de lancer des choses sur le mur jusqu’à ce qu’elles collent, sans se soucier du reste.”

“La notion de voyage est commune à nos musiques, dit Kale. L’album a été enregistré à Delhi, New York, en Californie, à Bombay… je n’ai d’ailleurs jamais enregistré un disque dans une seule ville. C’est là qu’intervient le thème de l’eau. Les voyages inspirent de nombreuses chansons qui parlent du fait de voyager sur la mer.”

“Je n’ai jamais connu une expérience musicale aussi intense avec quelqu’un hormis mon père, dit Shankar. Ce disque nous a poussés dans nos retranchements et même à inverser nos rôles. Je suis à l’origine de la plupart des moments durs et rythmiques de l’album tandis que beaucoup de jolis passages mélodiques sont l’œuvre de Karsh.” “La musique classique indienne, notre influence commune, nous a aidés à faire tomber les barrières qui existent d’habitude entre les musiciens. L’excès de respect a laissé la place à une compétition bénéfique” ajoute Kale.

Anoushka Shankar joue sur tous les titres de “Breathing Under Water” : “Il était crucial d’entendre cet instrument au son si spécial voyager à travers les genres et les styles qui composent cet album. Il m’a permis de donner libre cours à mes désirs créatifs, et de travailler avec des gens dont le talent complétait si bien le mien que j’ai pu donner le meilleur de moi-même.”

Quand à Kale, “Breathing Under Water” lui a donné la possibilité de montrer l’étendue de ses compétences : “J’ai été capable de faire différentes choses sur ce disque, d’utiliser ma voix autrement. J’ai adoré le fait de pouvoir incarner plusieurs personnages.”

Si la variété de sonorités et de styles de “Breathing Under Water” s’unissent en une seule force musicale, Kale ajoute : “Le ciment de tout ça est la voix d’Anoushka en tant que joueuse de sitar. Chaque titre m’a donné l’occasion de créer un décor dans lequel elle pouvait évoluer. J’ai pu me concentrer sur la musique de multiples façons puisque sa voix apportait la cohérence à l’ensemble.”

Il apparaît clairement qu’à une époque où l’on peut se connecter à toutes les cultures du monde en un clic de souris, mélanger les genres musicaux est en train de devenir une pratique commune. “En tant que musicienne indienne dans le monde d’aujourd’hui, où s’entremêlent tous les styles et les genres, je considère que c’est un vrai challenge de trouver une manière sincère et originale de s’exprimer, conclut Shankar. Notre but a été de montrer à quel point le monde est dynamique et propice à la cohabitation d’éléments qu’on n’imagine pas faits pour aller ensemble. Nous n’avons pas essayé d’intellectualiser la musique, tout est organique ici. Toute cette musique, tous ces sons ne sont que ce que nous sommes.”

Sortie française: le 01 octobre 2007
(Manhattan / Blue Note Rec / EMI Music)