Bill Deraime - Nouvel album Après Demain

Sortie le 26 mars chez Dixiefrog / Harmonia Mundi - Concert à l’Alhambra le 12 juin 2013

Publié le 19 mars 2013

Plus de trente ans après son premier disque, Bill Deraime, véritable légende du blues, revient le 26 mars avec son nouvel album Après Demain. Bill Deraime interprète des protest songs et des chansons intimes, des cris de citoyen et des prières d’enfant perdu, sur un nouvel album engagé, fort, et férocement vivant comme le prouve le premier extrait Esclave ou Exclu que l’on découvre en clip. Chacun peut entendre et partager ses espoirs et ses rages, et tout ce dont il rêve pour notre humanité. Et, comme Bill Deraime le chante lui-même, « Je rêve les yeux ouverts ».

« La foi, l’espérance, protester contre l’injustice : c’est l’essentiel de ma vie. » Bill Deraime ne se cache pas. Pourquoi le ferait-il, d’ailleurs ? Il rappelle un vieil adage : « La foi qui ne s’exprime pas pourrit. »

 
Son nouvel album est engagé, fort, férocement vivant. Il y parle du système qui broie les hommes, de la pauvreté, de la douleur de vivre, de la chaleur de la fraternité, de la vieillesse, de l’exclusion, de la liberté que l’on n’ose pas toujours prendre. Et il reprend ce qui est sans doute la chanson la plus féroce de l’âge yé-yé, Les Cactus de Jacques Dutronc. Oui, Bill Deraime interprète des protest songs et des chansons intimes, des cris de citoyen et des prières d’enfant perdu… « Dans la pensée, dans le feeling, dans l’expression, ce sont des sentiments profondément actuels. Les chansons viennent de ma spiritualité, mais aussi de ma rencontre avec Ray Charles ou Bob Marley, qui ont guidé ma vie. »

 

Plus de trente ans après son premier disque, il dit enfin : « Les années de formation sont terminées. Il m’a été donné de trouver la forme vocale et instrumentale, et l’écriture pour aller vers un public qui, comme moi, est en recherche. » Cette découverte a été un chemin dans la musique et dans l’Esprit tout à la fois. Un chemin de vie, aussi. Un chemin qui commence dans une cour sinistre à Senlis juste après la guerre, où le regard de l’enfant se heurte à un immense mur gris. Enfance rude, avec une mère que la médecine de l’époque ne sait soigner qu’en l’arrachant à sa famille pendant de longs mois. Scolarité poussive, jusqu’à ce qu’un professeur d’anglais, dans un collège mariste, fasse écouter du gospel à la classe.

Le futur Bill Deraime crée son premier groupe avec des copains, qui harmonisent sur des cantiques américains. La découverte de Ray Charles est un tremblement de terre : « La première fois, j’ai eu le sentiment d’entendre quelque chose de profond, comme dans le psaume 129 – « Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur ». À sa première guitare, il apprend le blues de Big Bill Broonzy et Lightin’ Hopkins, puis le folk de Pete Seeger.

 

Des études ? Seule la musique le passionne réellement. Il attaque vaguement médecine, puis la kiné. Il vit à Montmartre dans un appartement en colocation, qui devient rapidement un QG beatnik – on est en 1967. On gratte la guitare place du Tertre avec un groupe folk, les Wanderings, on refait le monde, on fume de tout… « Après un mauvais trip, j’ai rencontré l’Enfer. J’ai réalisé ce que signifie le Christ quand il dit : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Le jeune homme se convertit. Avec sa compagne Florentine et quelques amis musiciens (dont Gabriel Yacoub, le fondateur de Malicorne, et l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau), il fonde le Traditional Moutains Sound, rue de l’Abbaye à Saint-Germain-des-Prés. D’un côté du couloir, un club de folk ; de l’autre, une free clinic où viennent tous les marginaux, routards et vagabonds. « Il y avait des hippies, des rêveurs, des déserteurs de l’armée américaine qui fuyaient la guerre du Vietnam, mais aussi des voyous qui venaient braquer la caisse du club folk. Au bout de trois ans, Florentine et moi avons accepté de partir à la campagne pour créer un centre d’accueil pour drogués. »

C’est le second centre de postcure créé en France, en même temps que le travail très médiatisé du docteur Olivenstein. « Une expérience qui me révèle l’importance de la vie », dit pudiquement Bill Deraime. Dix-huit mois d’une intensité et d’une violence effarantes. Ces pionniers parviennent à ramener à la vie des personnalités perdues dans la drogue, la souffrance et l’autodestruction. La musique devient une exigence pour sauver du stress, de la colère, du désespoir. C’est décidé : Bill Deraime écrira en français, parce que les pauvres des pauvres, les exclus, les marginaux ne parlent pas l’anglais.

Son premier album, en 1979, révèle une voix nouvelle sur la scène française – bluesy, profonde, puissante. Irradié par la ferveur de Bob Marley, Bill Deraime aborde le reggae. En 1981, avec Babylone tu déconnes, le succès est énorme. Puis c’est la chute. La dépression, la tentation du suicide. « La foi est passée par ce creuset. Tomber m’a appris à compter sur autre chose que l’assurance de la vie sociale et de la sécurité matérielle. »

 

Bill Deraime sait qu’il ne sera jamais la star qu’il aurait dû être s’il avait fait confiance au système. Il préfère se battre avec le collectif Les Morts de la rue créé par le père Patrick Giros, devenir oblat de l’ordre bénédictin, ne pas s’attarder aux tentations de la gloriole médiatique. « L’important, c’est la rencontre », dit-il. Justement, après une rencontre sur une scène de concert, il a eu plaisir à inviter Sanseverino et ses musiciens sur le délirant Bobo Boogie. Et il n’aurait pas fait cet album sans quelques rencontres importantes, comme celle de l’organiste Jean Roussel (Soran). Un personnage… Arrangeur sur No Woman No Cry de Bob Marley, clavier sur la majeure partie des disques de Cat Stevens ou chez Serge Gainsbourg, Police, Ron Wood ou Julien Clerc, ce Mauricien à la barbe fournie ne conçoit pas la musique en requin de studio. Tout l’album s’est enregistré avec lui et le groupe de scène de Bill. Du blues pour la colère, du reggae pour la révolution, des chansons qui ont déjà fait leur chemin et d’autres toutes neuves… « Un album d’espérance mystique, dit-il. Je suis chrétien mais un athée, un musulman ou un bouddhiste peuvent s’y retrouver. Il y a une vraie unité dans l’amour et la miséricorde. »

 

Chacun peut entendre et partager ses espoirs et ses rages, et tout ce dont il rêve pour notre humanité. Mais, comme il le chante lui-même, « Je rêve les yeux ouverts ».

Bertrand Dicale

En concert à l’Alhambra le 12 juin 2013