CLARIKA : « moi en mieux »

Clarika sortira son cinquième album Moi en Mieux le 02 mars 2009

Publié le 24 février 2009

Le disque a été réalisé par Florent Marchet et son complice de toujours Jean-Jacques Nyssen. Le premier single Bien Mérité tourne déjà en radio et montre que Clarika a affuté comme jamais sa vision décalée du quotidien.

Son insolence et sa légèreté trompeuse m'ont toujours fait du bien. Qu'elle s'invite dans les vestiaires des garçons, qu'elle s'efforce de calmer les ardeurs d'un cousin trop sentimental, qu'elle conjure son amoureux d'enlever son imperméable (et le reste) ou l'implore de ne pas lui demander sa main, Clarika s'autorise une liberté de ton qui, on le sait, n'a pas manqué de faire des « petites ». Et moi qui suis si souvent rattrapé par l'esprit de sérieux (un garçon français, quoi !), j'ai bien besoin d'une fille comme ça : fantaisiste sans scrupule, désinvolte jusqu'à l'humour noir, vous serrant la gorge au moment où vous vous y attendez le moins... Une fille qui déjoue les étiquettes trop faciles, trop rapides. Libre comme l'air, en somme. Or quoi de plus salutaire dans un univers musical si souvent formaté ?

C'est en mai dernier que mon compagnon de route Florent Marchet (qui avait déjà signé la composition de « Je t'aimais mieux » sur le précédent album) m'a annoncé la bonne nouvelle : « la fille tu sais » allait s'installer quelques semaines dans son studio. But du « jeu » : Jean-Jacques Nyssen, le complice de toujours, et Florent s'associaient pour signer à quatre mains la réalisation du cinquième opus de la demoiselle. Belle idée, me dis-je aussitôt : ces trois-là partagent un goût manifeste pour la pop et le folk des années soixante-dix et la confrontation de leurs univers musicaux promet de l'inattendu...



Témoin ou espion selon les moments, j'ai donc suivi la confection de l'album, découvrant au fil des séances d'enregistrement comment les maquettes piano/voix prenaient corps : ici un clavier Rhodes, là un orgue Philicorda, quelques notes d'autoharp, des sons résolument organiques, un écho à nos chers Belle and Sebastian et autre Divine Comedy ; et puis des partitions cuivres et cordes cinématographiques comme un hommage à John Barry... Et puis la chanteuse a commencé à « poser ses voix ». Et là, ce fut une évidence : la tournée « Joker » était passée par là ; résultat : une interprétation incroyablement décomplexée, un travail en studio où résonnait sans cesse l'énergie du live qui venait de la porter sur plus de deux cents dates.



Quelques semaines plus tard, l'enfant est né et il s'appelle « Moi en mieux ».

Alors autoportrait made in Clarika ? Oui, à sa façon, c'est-à-dire au gré des chemins de traverse qu'emprunte son humour. Plutôt que de se décrire complaisamment, Clarika préfère en effet inventorier tout ce qu'elle n'est pas dans une cavalcade décalée et débridée (« Je ne serai pas »). Elle se plaît également à imaginer à quoi ressemblerait une Clarika idéale, une « super elle-même » (mais l'aimerait-on quand même ? se demande-t-elle). Et pudeur oblige (vous savez, cette chose pas très à la mode mais néanmoins précieuse...), l'autoportrait renferme en son cœur une « boîte à secrets », ce « coffre-fort intérieur » dont nous n'aurons jamais le « sésame »... Car Clarika ne saurait en rester à elle-même, elle jubile même quand il s'agit de se pencher... sur notre cas (qui n'est jamais très loin du sien, se doute-t-on). Le cas des « bavards », par exemple, coincés dans les ascenseurs ou sous les draps, le cas de nos corps tremblants dans le souffle hivernal, ou encore cette coiffeuse contrainte de faire des couleurs à des femmes caquetantes, mais dont la vie reste grise... Et puis ce bouleversant « Lâche-moi » que susurre une mère à son enfant, bien trop consciente que donner la vie, c'est - dès le premier cri - apprendre à se séparer...

Un autoportrait tout autant qu'une galerie de portraits donc. Treize chansons et treize façons de parler d'elle-même sans doute, d'exercer son regard aiguisé et singulier en tout cas. Un trait plus assumé que jamais.

Sans oublier deux moments on ne peut plus audacieux et surprenants dans cet album que Clarika et ses compères ont souhaité délibérément « au long court » : le début et la fin. En ouverture : la verve juste, acérée et engagée de « Bien mérité ». Rien de plus difficile, me dis-je souvent, que de se coller dans une chanson au thème de l'injustice... sans crouler sous les clichés. Le résultat est si souvent naïf et « belle âme ». Pas là, ô combien. Parions que « Bien mérité » fera date. Ce serait justice, en l'occurrence. Et puis le final, véritable morceau de bravoure : telle une Barbara convoquant la solitude personnifiée, Clarika fait le portrait de cet ami « trop fidèle » qu'est... l'Ennui ; se transformant pour l'occasion (malin contrepoint) en Calamity Jane, elle chevauche plus de cinq minutes durant le creux de nos existences avec la fougue des meilleurs B.O de western.



Toujours plus libre donc. Clarika ose. Et l'emporte. À la force de son talent et grâce à deux chefs d'orchestre détonants. Il n'y a pas de secret.