Metronomy : Nights Out

le nouvel album de Metronomy ne vous laissera certainement pas indifférent

Publié le 19 avril 2008

‘Nights Out’, le nouvel album de Metronomy ne vous laissera certainement pas indifférent. Bien que la pop elliptique, insidieuse, multicolore et riche en textures de Joseph Mount ne ressemble en rien au prog-disco de la légendaire formation de Cologne, Can fournit néanmoins quelques précieux indices sur la lignée dans laquelle s’inscrit Joseph Mount. Ajoutez-y également les premiers Brian Eno, Sparks, Devo, Talking Heads et Soft Cell. Essayez ensuite de vous creuser la tête pour trouver quelques groupes plus récents de musique pop abstraite, qui donnent envie de chanter et de danser … Et vous vous rendrez alors compte qu’il n’y en a pas d’autres, car Metronomy est aujourd’hui une formation résolument unique en son genre sur la scène pop.


‘Nights Out’ (est un deuxième album qui ressemble étrangement à un premier. C’est en fait le premier album de Metronomy pour Because Music; le premier à être essentiellement chanté, le discret Joseph s’emparant cette fois du micro sur la plupart des morceaux, et surtout, le premier à présenter Metronomy comme un trio à part entière, plutôt qu’un pseudonyme collé sur les compositions de Joseph en solo. Bien que Gabriel Stebbing (basse, claviers), Oscar Cash (saxophone, claviers) et Joseph Mount travaillent ensemble depuis qu’ils sont gamins, c’est grâce au succès rencontré par le trio sur scène qu’ils ont réalisé qu’ils formaient véritablement un groupe. ‘Je n’ai jamais été partisan du principe de l’artiste solo entouré de musiciens de séance. Il y a quelque chose qui ne colle pas dans ce concept, surtout sur scène. J’écris les chansons, mais Gabriel et Oscar ne se contentent pas simplement de les interpréter. Le fait que nous formons un groupe est devenu une évidence.’


‘Nights Out’ constitue également d’une tentative délibérée de contrecarrer les propos actuels concernant la culture MP3 et le désintérêt pour la musique d’affreux gamins voleurs. ‘Au départ, mon projet était de réaliser un album concept. Régulièrement j’entends les gens parler du marasme de l’industrie du disque, de la fin du CD et du fait que la musique ne s’écoute plus désormais qu’en mode aléatoire. Ce à quoi je rétorque : “Mais y’en a marre de ce discours, putain !” C’est intégralement la faute des maisons de disques, qui n’ont pas hésité pendant des années à vendre des albums avec deux bonnes chansons dessus. Moi, je peux vous assurer que si les labels se mettaient à sortir des bons disques, ce problème serait réglé. J’ai donc décidé de faire un disque que les gens auraient envie d’écouter en entier, parce qu’il formerait un ensemble. Mais j’ai réalisé que Bloc Party avait déjà sorti un projet similaire… J’ai donc élargi un peu cette notion en réalisant un disque avec un fil conducteur. C’est la bande son d’une soirée.’


Et pour dire la vérité, la soirée en question n’est pas nécessairement la plus éclatante qui soit. ‘Nights Out’ se démarque résolument de certaines productions actuelles pour s’inscrire dans une veine pop plus élégante, authentique et moins fugace – comme cette sensation de solitude extrême qui nous envahit lorsqu’on est entouré de fêtards complètement déchirés et désespérés.


Musicalement, Metronomy suit le beat de sa batterie synthétique. Mais les récentes expériences de Joseph – qui, dans le cadre de sa tournée de boîtes de nuit, s’est souvent retrouvé à la fin de son set complètement égaré et incapable de se joindre à la débauche ambiante - font de ‘Nights Out’ l’héritier décalé de Giorgio Moroder, New Order, Pet Shop Boys et autres Unfinished Sympathy. De fait, ‘On Dancefloors’ est vraisemblablement la chanson la plus triste jamais écrite sur le thème de la fête.


‘Vous trouvez, vraiment? Parfait !’ lance allègement Joseph. ‘Mais je ne suis pas si malheureux que ça. Il est vrai que je sors tout le temps et qu’en fait… je ne m’éclate jamais vraiment. Après les concerts je me suis retrouvé à errer dans des clubs au milieu de tas de gens complètement déchirés et je me demandais s’ils appréciaient vraiment la musique. Certaines chansons sont donc un peu mélancoliques. Mais il faut dire que je le suis un peu moi-même.’


‘Nights Out’ est aussi un disque paisiblement anticonformiste; c’est l’une de ses principales qualités subversives. Comme l’illustre très bien ‘Heartbreaker’, un titre qui est, comme son nom l’indique, déchirant. ‘Les paroles sont assez simples en fait. Il s’agit pour l’essentiel d’un ami qui vit une relation de couple catastrophique et qui n’arrête pas d’en parler continuellement et de bassiner ses amis, à tel point que cela finit par briser une amitié. S’il te plaît fais-nous plaisir, plaque cette nana... Je n’ai pas vraiment subi cela moi-même, mais je l’ai en revanche infligé à certains de mes amis. Il s’agit donc d’une chanson d’amour entre deux hommes, même si cela ne paraît pas évident à la première écoute.’ ‘Back on the motorway ‘ apporte une touche dramatique à l’album, le morceau raconte l’histoire d’une fille qui vole une voiture et se crash avec quelques minutes plus tard. ‘J’avais envie d’écrire une chanson pop assez triste dans la veine de Shangri-La’s’.


Les petits soucis des filles sont très présents dans l’album, surtout dans les morceaux les plus récents. ‘ ‘Holiday’ n’est pas une tribute à Madonna ‘ précise Joseph… ‘Je suis allé faire un quizz au pub un soir, je suis rentré complètement saoul dans mon studio et j’ai enregistré les paroles… C’est l’histoire d’une fille qui veut partir en vacances avec son copain, mais qui choisit méticuleusement la destination car elle est très jalouse. Lui, veut partir en vacances mais à condition qu’elle ne l’étouffe pas’.
Ceci dit « Nights Out » ne parle pas que de divorce et de cœur brisé. « A thing for me », un titre ajouté au dernier moment et futur single de l’album, met en valeur les bienfaits d’être séparé de la fille de ses rêves. « Je voulais parler de cette situation que l’on vit souvent lorsque l’on rencontre une fille dans une soirée…on est triste à la fin de la soirée quand elle doit rentrer mais la fille précise qu’on se reverra la semaine d’après et que ça ne sert à rien de s’inquiéter qu’on a tout le temps pour se revoir...les saxes à la fin sont clairement inspirés par Roxy Music ».


Metronomy a commencé à prendre forme il y a une dizaine d’années dans la petite bourgade bohème de Totnes dans le Devon, lorsque le père de Joseph a vendu à son fils un ordinateur afin que ce dernier puisque concocter une musique électronique inspirée d’Autechre, LFO et autres Aphex Twin, plutôt comme passe-temps que dans la perspective de faire carrière. Il trouve même un nom à ce projet. ‘Ça vient en fait d’un gamin - moi vers 16, 17 ans – qui s’est dit que ‘metronomy’, ça faisait penser à métronome mais aussi à astronomie.” Ha HA! Super judicieux, non ?? Mais je suis très content d’avoir gardé ce nom. L’avantage - comme me l’a fait remarquer Gabriel – c’est que c’est un mot qui sonne bien dans toutes les langues. Les Français et les Japonais ont d’ailleurs une façon irrésistible de le prononcer.’


Joseph confie qu’il n’a fini par prendre conscience du potentiel commercial de Metronomy que lorsque le DJ, producteur, instigateur des soirées Trash et avatar électro-punk, Erol Alkan a commencé à jouer le single ‘You Could Easily Have Me’ dans ses sets et a demandé au groupe de se produire dans son club. Il ne reste plus alors qu’à mettre au point un vrai ‘live’ qui prend forme avec Gabriel et Oscar, à élaborer une chorégraphie et à concevoir des vêtements qui ne passent pas inaperçus. De temps à autres, Metronomy agrémente son live de la présence d’une troupe de quatre danseuses, les Sparkle Motion
Tandis que Metronomy enchaine les dates, générant progressivement un bouche à oreille parmi les gamins qui captent instinctivement le concept crossover de la formation, Joseph se lance dans une myriade de remixes prestigieux pour les Klaxons, Franz Ferdinand, Gorillaz et autres Kate Nash. Ce qui nous amène aujourd’hui à ‘Nights Out’, un album pop résolument actuel et éclatant, fruit des dix années d’expérimentations d’un gamin du Devon qui s’amuse, mélange, prend son temps et se fait plaisir. Joseph a bien conscience que ce disque peut constituer une étape pour entrer dans la cour des grands. ‘Oui, certainement. Mais j’espère que ce disque n’est pas très différent du premier dans l’esprit. L’une des raisons pour lesquelles je ne chantais pas, c’est parce que je n’avais pas suffisamment confiance en moi. Mais j’ai de la chance car nous avons trouvé un label qui est convaincu que nous pouvons toucher un large public. Il y a trop de titres sur les radios signés par des équipes de compositeurs et de producteurs et pas suffisamment d’autres morceaux qui montrent aux gens qu’il suffit d’avoir des idées et les mettre en œuvre.’ La preuve, c'est effectivement tout à fait possible. L'autre grande qualité de Metronomy ? La musique, comme le nom du groupe, sonne gravement bien et ce dans toutes les langues…