Classement des hôpitaux en 2020 vu par les jeunes médecins

Les généralistes fuient Paris et Marseille

Publié le 18 février 2015

Les Hospices Civils de Lyon démontrent à nouveau l'excellence de leurs soins et de leurs formations, tandis que Paris (AP-HP) et Marseille (AP-HM) sont à la peine, notamment en médecine générale

Quels hôpitaux travaillent à une relève de qualité et ont une formation exigeante ? C'est à cette interrogation que le classement réalisé par What's up Doc répond. Pour la deuxième année consécutive, les Hôpitaux Civils de Lyon sont en tête des CHU choisis par les jeunes médecins, Nantes et Grenoble complètent le podium.

Pour le Docteur Alice Deschenau, Directrice de la rédaction du magazine What's up Doc, ce deuxième classement a beaucoup de sens : «Analyser le choix des jeunes médecins ne garantit pas d'identifier les meilleurs hôpitaux d'aujourd'hui : nous nous plaçons dans une perspective à moyen terme. Ce classement indique les hôpitaux où les meilleurs espoirs de la médecine française veulent se diriger pour se former. Et à ce titre, il est intéressant de noter l'attractivité des uns (Lyon, Nantes, Grenoble) et les mauvais résultats d'autres comme l'AP-HP (Paris) et l'AP-HM (Marseille), fuis par les médecins généralistes, pour imaginer le paysage hospitalier et médical de 2020.»

  • Panorama des grandes tendances actuelles du secteur hospitalier

La première place du classement n'a pas changé en un an, les Hospices Civils de Lyon confirmant leur attrait. Vient ensuite le CHU de Nantes (+ 1 place), suivi de celui de Grenoble (+ 3 places), Toulouse (+ 1 place) et Montpellier-Nîmes (- 4 places). Pour la deuxième année consécutive, le classement met en lumière l'attractivité de la moitié sud de l'Hexagone, privilégié par un grand nombre d'internes.

Parmi les très grands hôpitaux, il est à noter que Paris (et donc l'AP-HP, en 8ème position et qui a perdu 1 place) et Marseille (l'AP-HM, au 17ème rang soit - 5 places) font pâles figures.

  • Les généralistes fuient Paris et Marseille

Parmi les principaux enseignements de ce nouveau classement, on note le rang très médiocre de l'AP-HP et de l'AP-HM dans la spécialité « médecine générale ». Alors que les jeunes médecins généralistes représentent presque la moitié des 18ème et 26ème dans cette spécialité.

Si l'on examine le classement de plus près, l'AP-HP fait partie des bons élèves toutes spécialités confondues (8ème) mais pêche réellement en médecine générale, avec un recul de 3 places par rapport à 2013-2014. Avec ce manifeste évitement pour la capitale, il paraît évident que les hôpitaux franciliens n'apportent pas satisfaction aux jeunes médecins généralistes. Si la qualité de vie est à prendre en compte, nous avons identifié des causes bien plus préoccupantes pour ce CHU : pénurie de l'encadrement pour la formation, rares stages au cœur de Paris, horaires tardifs, maquette de formation trop rigide et mauvais aménagement des emplois du temps. Et c'est sans compter sur la surcharge des soutenances de thèse qui oblige les étudiants convoqués à passer par groupe de trois, avec finalement un seul étudiant autorisé à lire le serment d'Hippocrate : une situation ubuesque pour une symbolique piétinée ! Décidément, à l'heure où l'on parle déjà de l'Ile-de-France comme d'un désert médical, ces critiques sont loin d'envoyer un signal positif.

Concernant l'AP-HM, c'est le même constat avec un bon classement hors médecine générale (10ème), plombé par cette spécialité qui la fait chuter de 12 région PACA, Norbert Nabet, « ce résultat ne semble pas venir de causes internes à la formation, nous n'avons pas eu d'alerte ni du doyen, ni des internes de médecine générale, pourtant plus nombreux cette année ». Le professeur Guy Moulin, président de la CME, déplore ce mauvais classement qui, selon lui, est très lié à l'image dégradée de Marseille : « Si les internes en médecine se détournent de la médecine générale, c'est à cause des phénomènes de violence qui sont souvent associés à la ville ». Norbert Nabet évoque également un potentiel « "Marseille Basching" déploré par notre maire, Jean-Claude Gaudin », sans pour autant être affirmatif. « Évidemment, on se sent concerné, on souhaite avoir des bons professionnels et on souhaite en plus leur donner les moyens de le rester » conclut-il.

Pour le Docteur Alice Deschenau, Directrice de la rédaction de What's up Doc, « ces chiffres, s'ils étaient confirmés, pourraient être annonciateurs d'une chose : les grandes métropoles n'attirent plus les jeunes médecins généralistes ».

Elle évoque comme facteur repoussoir l'angoisse de devoir travailler dans des zones difficiles, dans des quartiers parfois sensibles ; un phénomène qui pourrait être accentué par la féminisation.A cela s'ajoutent les débats sur les revalorisations des rémunérations des médecins généralistes, qui affectent toute la classe professionnelle entrante : le choix de s'orienter vers des villes où ils auraient un plus fort pouvoir d'achat paraît alors logique. « Il faut savoir lire ces signes de migrations de professionnels car ils font le lit des problématiques de démographie médicale que nous rencontrons tous ensuite et pour lesquels, une fois installé, il est difficile de lutter » analyse la Directrice de la rédaction.

  • Les hôpitaux de Rhône-Alpes plébiscités, belle remontée pour Tours et Nancy tandis que Marseille plonge

Les Hospices Civils de Lyon confirment donc pour la deuxième fois leur première place. Peu étonnant pour Jérôme Vincent qui pilot le classement annuel des hôpitaux de France du Point : « La région de Lyon comprend des hôpitaux de niveau européen qui entrent vraiment dans un pôle de compétition avec Turin et Munich. En sus, le CHU est très bien organisé. ». Dominique Deroubaix, Directeur général des Hospices Civils de Lyon (HCL) se félicite de ce résultat qui est « le fruit d'une collaboration étroite entre le CHU, l'Université, l'Agence régionale de santé (ARS) et les médecins, qui oeuvrent au quotidien pour que l'accueil des plus jeunes en formation soit une priorité ».

A noter également, le très bon classement des hôpitaux de Grenoble, 3èmes (avec une remontée de 3 places). Selon Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU, l'explication est claire : « la prise en charge de Michael Schumacher a eu un effet sur notre notoriété » en mettant un coup de projecteur sur le service de neurochirurgie et la spécialisation en traumatologie de montagne et accidentologie notamment.

Parmi les bonnes surprises des classements, le CHRU de Tours passe de la 16ème à la 11ème place : « il y a une bonne ambiance chez nous, avec un réel esprit d'équipe. Et nos locaux ont été améliorés » explique Marie-Noëlle Gerain Breuzard, directrice générale. Nancy enregistre une montée de 5 places, se hissant à la 14ème place. Bernard Dupont, directeur général du CHU, commente : « L'enseignement est moderne, avec un centre de simulation dont la porte est grande ouverte aux étudiants. Nous sommes également très reconnus pour la chirurgie de la main. »

Dégringolade au contraire pour Marseille, 17ème au classement et qui a perdu 5 places. Un résultat attribuable au récent rapport de l'IGAS, désastreux, dénonçant une gestion hospitalière « archaïque », un « système clientéliste »,... Jérôme Vincent, spécialiste des hôpitaux au Point regrette cette situation car « certains services sont vraiment des références mondiales » comme la médecine nucléaire (l'AP-HM est le 1er CHU au classement de cette spécialité) et la chirurgie médicale (6ème) mais sa réputation d'être « un panier de crabes », ajoutée aux phénomènes de violence, expliquent son mauvais rang.

  • « Le médecin, un citoyen comme les autres »

Au-delà de l'excellence du CHU qui pèse pour beaucoup dans le choix des internes, l'attractivité de la ville en elle-même ne doit pas être minimisée. Pour cela, nous avons demandé à Pierre Falga, rédacteur à l'Express et en charge du classement des villes les plus attractives de France, de commenter ce nouveau classement. Selon lui, le prix de l'immobilier et l'offre culturelle sont des critères déterminants choisissent Nantes, Toulouse ou Bordeaux qui ont une très bonne réputation ». Dominique Deroubaix, Directeur général des Hospices Civils de Lyon (HCL) évoque également cet argument pour expliquer la première place de son CHU : « notre positionnement est exceptionnel, à 2 heures des montagnes, de la mer et de Paris, nous sommes dans une ville aux multiples richesses où il fait bon vivre ».

Une analyse qui vaut également et surtout pour les petits villes, en bas de classement : Amiens, malgré un très bon CHU, souffre de l'image de la Picardie, peu attrayante. Limoges, à nouveau dernier du classement, pâtit de son isolement.

  • Un lien ténu entre spécialités, rémunération et qualité de vie

Concernant le classement des spécialités, la tendance est au maintien entre 2013 et 2014 : l'ophtalmologie tient toujours le haut du panier en étant la spécialité la plus choisie, suivie par la dermatologie et la cardiologie. Les spécialités médicales ou médico-chirurgicales sont sur-représentées dans les premiers du classement, contrairement aux chirurgies lourdes. Parmi les 10 premières spécialités, seule l'anesthésie-réanimation progresse de manière significative (+ 3 places) pour arriver au 10ème rang.

Côté nouveautés, on observe le désintérêt pour la gynécologie obstétrique, qui perd 5 places pour arriver au 21ème rang tandis que la gynécologie médicale gagne 5 places et se place 16ème. Ainsi, la gynécologie médicale s'imposerait en France comme une discipline à part entière, dans le seul pays de l'Union Européenne où les deux spécialités sont séparées.

Concernant la rémunération, les spécialités en bas de classement correspondent aux ressources annuelles les plus basses. Pour autant, le contraire n'est pas vérifiable : on note que les spécialités les plus choisies sont plutôt celles qui promettent la meilleure qualité de vie possible, entre revenus confortables et liberté d'exercice.

  • Méthodologie

Pour la deuxième année consécutive, le magazine What's up Doc a mené l'enquête et établi le classement des CHU (Centres Universitaires Hospitaliers) et des spécialités choisis par les internes en médecine. Comment ? Tout simplement en étudiant et analysant les choix des nouveaux internes en médecine à l'issue des Epreuves Classantes Nationales (ECN).

En septembre 2014, 8 304 internes ont prononcé leurs vœux d'affectation vers 30 spécialités différentes, et se sont répartis dans 28 CHU en France, en fonction de leur place dans le classement national. L'analyse des résultats, réalisée par What's up Doc dans son 18ème numéro sorti le 11 février 2015, révèle les dynamiques et les tendances qui déterminent les choix des jeunes internes actuels.

  • L'intégralité du dossier et du classement des CHU par les jeunes médecins

Ce numéro 18 de What's up Doc livre donc les clés du système de santé de demain en dévoilant un classement inédit, celui des CHU en 2020. Un dossier spécial à retrouver en pièce jointe et dans son intégralité, ville par ville, CHU par CHU, spécialité par spécialité, sur le site du magazine : www.whatsupdoc-lemag.fr.

  • ZOOM sur WHAT'S UP DOC

Edité depuis 2011 par Planète Med, WHAT'S UP DOC est le magazine des jeunes médecins. Tiré à 18 000 exemplaires, il réunit, tous les deux mois, 35 000 lecteurs.

Chaque numéro explore les différentes composantes de l'exercice de la médecine et de la santé d'aujourd'hui et de demain, et éclaire un domaine particulier à travers une enquête exclusive.

Chroniques, interviews, sujets de fond et enquêtes s'y enchaînent avec dynamisme et humour, et donnent à voir la médecine et ceux qui la font sous un prisme tout particulier, suivant une ligne éditoriale alternative, propre aux nouvelles générations de médecins qui accordent autant d'importance à leur vie personnelle qu'à leur vie professionnelle.

En complément du magazine, WHAT'S UP DOC, c'est également un site internet, www.whatsupdoc-lemag.fr, un compte Twitter @WhatsUpDoc_mag et une communauté sur Facebook : www.facebook.com/WUDmagazine.




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