
Monsieur Gilles de Robien, Ministre de l'Education Nationale et de la Recherche, nous présente sa vision du Ministère et du monde des étudiants...
Capcampus
  Comment envisagez-vous votre mission en tant que Ministre de l’Education 
  ? 
Gilles de Robien :
  Si une phrase a marqué mon enfance, c’est celle que répétait 
  sans cesse ma mère : « rends-toi utile, rends-toi utile... ». 
  C’est ce que j’essaye de faire au Ministère de l’Education 
  : rendre service aux autres. D’ailleurs, étymologiquement, un « 
  ministre » n’est rien d’autre qu’un « serviteur 
  »... C’est pourquoi je place avant tout mon action sous le signe 
  du devoir et de l’intérêt général. Et je suis 
  aujourd’hui très heureux de pouvoir servir l’Education nationale.
J’engage cette mission avec une réelle volonté de réconciliation car il me semble qu’il existe aujourd’hui un début de malentendu entre la nation et son école. Au delà de l’enseignement des savoirs toujours plus nombreux et techniques, la société demande désormais à l’école d’assurer des tâches qui ne sont souvent pas de sa seule compétence : l’apprentissage du respect, de l’hygiène, de la sécurité routière… Face à ces exigences croissantes, la Nation ne sait pas toujours reconnaître les efforts d’adaptation et d’évolution que le système éducatif réalise chaque jour grâce à l’ensemble de la communauté éducative et notamment grâce aux professeurs.
C’est dans cet esprit que j’ai abordé ma première rentrée scolaire en tant que Ministre avec optimisme et confiance. D’ailleurs d’après un sondage de l’institut CSA, 93% des parents d’élèves affirment que la rentrée 2005 s’est déroulée « dans de bonnes conditions ». C’est pour moi une preuve de plus de la qualité de cette grande administration.
Capcampus
  Pensez-vous qu’il faille avoir un profil particulier ?
Gilles de Robien :
  Je ne suis pas un spécialiste de l’Education nationale et il me 
  semble en l’occurrence que c’est un atout plus qu’un handicap. 
  Mon rôle est d’être un bon chef d’équipe et d’être 
  un homme de dialogue et de concertation pour que la politique rapproche les 
  gens plus qu’elle ne les oppose lorsque le moment de décider arrive. 
  Mais quoi qu’il en soit, quand on est ministre, on devient très 
  vite un spécialiste du domaine qui vous est confié.
Capcampus
  Est-on Ministre de l’Education par vocation ?
Gilles de Robien :
  Pas nécessairement. On peut l’être par vocation personnelle, 
  bien sûr, mais aussi par simple volonté de servir la Nation. Et 
  je ne pense pas exagérer quand je dis que je rends service. Or, je pense 
  pouvoir mettre au service de l’école certaines de mes compétences. 
  Au premier rang desquelles un certain sens des relations humaines. Ma méthode 
  pourrait se résumer en quelques termes : dialogue, concertation, et consensus.
  Et puis, je pense devoir mettre au service de l’Ecole une conviction : 
  mon amour pour elle et pour le travail de ses professeurs. J’ai entendu 
  dire parfois que l’actuelle majorité n’aimait pas l’Ecole. 
  Je prouverai le contraire. On ne répétera jamais assez que l’avenir 
  de notre pays se prépare au sein de l’Education nationale. C’est 
  pour cela que je suis heureux qu’il s’agisse d’une priorité 
  affichée du gouvernement ; c’est ce que traduit le budget 2006 
  de l’Education : la mission « enseignement scolaire » est 
  la première de l’Etat, la mission « Recherche et enseignement 
  supérieur » la quatrième. 
Capcampus
  Quelles réformes de l’Education nationale vous semblent essentielles 
  aujourd’hui ?
Gilles de Robien :
  Tout d’abord, je préfère le terme « d’évolution 
  » à celui de « réforme ». Et il ne faut pas 
  croire que tout vient du bureau du ministre. Les évolutions positives 
  que connaît l’Education nationale, sont d’abord le fait des 
  établissements scolaires, de leurs directeurs et de leurs professeurs.
  Mon prédécesseur a œuvré pour une importante loi d’orientation. 
  Aujourd’hui, il m’appartient d’en déterminer les modalités 
  d’application. C’est à nouveau le temps de l’action 
  et des choix. Le fil conducteur de la mise en œuvre de la loi d’orientation, 
  pour moi, c’est l’Egalité des chances : le Ministère 
  va surtout œuvrer en faveur du soutien scolaire, des langues, de l’orientation 
  professionnelle, des ZEP, de l’insertion des élèves handicapés 
  et du remplacement des professeurs absents pour une courte durée. Une 
  des prochaines évolutions importantes sera la définition du « 
  socle commun de connaissances ».
Capcampus
  Pensez-vous que la réforme de l’Education nationale soit indispensable 
  pour relancer le sentiment de citoyenneté et d’appartenance politique 
  des Français ?
Gilles de Robien :
  La cohésion sociale et le sentiment d’appartenance ne doivent pas 
  rester des mots, ils doivent être tangibles, concrets. Aujourd’hui, 
  avec la perte de nombreux repères, l’Ecole est devenue l’un 
  des principaux acteurs de l’apprentissage du savoir vivre ensemble : lutte 
  contre les discrimination et l’incivilité, respects des autres 
  et de leurs différences... Elle doit dispenser les bases du civisme, 
  par exemple lorsqu’elle enseigne la Marseillaise à ses élèves 
  – tout en l’accompagnant, bien sûr, d’un rappel historique 
  pour la resituer dans le contexte de l’époque où elle a 
  été écrite. Cependant, il ne faudrait pas non plus tomber 
  dans l’excès et tout demander à l’Ecole. Elle ne peut 
  pas et ne doit pas se substituer aux familles. Ce n’est pas sa mission. 
  Ni celle des professeurs.
  Capcampus
  Le dialogue entre le Ministère de l’Education et les étudiants 
  est-il, selon vous, satisfaisant ? Avez-vous des projets pour soutenir cette 
  communication?
Gilles de Robien :
  Dès mon arrivée, avec François Goulard, nous avons rencontré 
  les associations étudiantes pour une première prise de contact. 
  Nous nous sommes à nouveau rencontrés à la rentrée 
  universitaire pour faire le point sur un certain nombre de dossiers. J’ai 
  l’intention non seulement d’écouter mais aussi de les faire 
  participer à l’action publique. Je vous donne un exemple. Je viens 
  de proposer la création d’un groupe de travail qui puisse dresser 
  chaque année un tableau fiable et actualisé des conditions de 
  vie étudiantes. Il regroupera la Direction de l’Evaluation et de 
  la Prospective du ministère, l’INSEE, l’observatoire de la 
  Vie Etudiante, le CNOUS et les associations étudiantes si elles le souhaitent. 
  C’est ensemble que nous créerons un outil de pilotage pour une 
  politique sociale mieux éclairée en direction des étudiants.
Capcampus
  Si un étudiant demande à s’entretenir avec vous, l’acceptez-vous 
  ?
Gilles de Robien :
  Lors de chacun de mes déplacements, j’ai tenu à recevoir 
  les délégations d’étudiants qui souhaitaient s’entretenir 
  avec moi. Je tiens à ce contact direct. Ceci dit, il y a aujourd’hui 
  2.200.000 étudiants en France, si chacun d’entre eux souhaitait 
  me rencontrer ne serait-ce qu’une demi heure, il faudrait 125 ans en ne 
  faisant que cela 24H/24 et 365 jours par an ! 
  C’est le rôle des associations d’étudiants de faire 
  remonter aux ministres au plan national, aux recteurs ou aux présidents 
  des universités au plan local les attentes et les propositions des étudiants. 
Capcampus
  Il existe plus de mille associations à Paris. Encouragez-vous cette mobilisation 
  étudiante ?
Gilles de Robien :
  C’est un signe très positif de l’engagement des jeunes dans 
  notre pays. Il montre que notre société et notamment sa jeunesse 
  ne sont pas, comme on l’entend trop souvent, uniquement guidées 
  par des préoccupations égoïstes et matérialistes. 
  Je pense en particulier aux associations comme l’AFEV (Association Française 
  des Etudiants Volontaires) qui vont, bénévolement bien sûr, 
  dans les quartiers défavorisés pour faire du soutien scolaire. 
  Ce type d’engagement est exemplaire ! 
Capcampus
  Que diriez-vous à ceux qui ne se sentent pas écoutés par 
  leurs représentants ?
Gilles de Robien :
  Je leur dirais de s’engager davantage encore, et notamment en étant 
  plus présents au moment des élections étudiantes ! Un peu 
  plus de 8% de taux de participation aux élections aux CROUS, ce n’est 
  vraiment pas assez ! 
  Capcampus
  Financement de l’ordinateur, du permis de conduire, de la première 
  voiture, du premier logement loué, l'étudiant doit faire face 
  à un dilemme « faible pouvoir d'achat, fort désir d'achat 
  ». Le programme MIPE a démontré son efficacité. A 
  quand des dispositifs équivalents pour le logement ou le permis de conduire 
  ?
Gilles de Robien :
  Le programme MIPE est en effet un succès : les étudiants se sont 
  emparés de l’opportunité d’acquérir un micro 
  portable dans des conditions optimales. Nous poursuivons notre effort pour leur 
  apporter maintenant des services et des contenus plus performants. Concernant 
  le permis de conduire à 1 € par jour pour les jeunes de 16 à 
  25 ans, vous avez vu qu’il venait d’être annoncé par 
  Dominique Perben, le 3 octobre. Il prendra la forme d’un prêt à 
  taux zéro de 1200 € au maximum, l’Etat prenant en charge les 
  intérêts de l’emprunt et mettant en place un fonds de garantie 
  pour que tous puissent y avoir accès quel que soit leur revenu. 
  La question du logement est cruciale pour les étudiants. Je sais la difficulté 
  qu’ils rencontrent dans certaines académies pour trouver un logement 
  leur permettant d’être pleinement autonomes. Jean-Pierre Raffarin 
  avait demandé à Jean-Paul Anciaux de lui remettre un rapport sur 
  le logement étudiant. Au vu des conclusions de ce rapport le gouvernement 
  a décidé, il y a maintenant dix-huit mois, de mettre en œuvre 
  un plan global en faveur du logement étudiant qui comportait deux mesures 
  essentielles.
  1. La construction de 50 000 chambres en 10 ans d’une superficie de 16 
  m2, soit 5 000 financées chaque année.
  En 2004, le gouvernement a financé la construction de 5.500 logements 
  sociaux pour étudiants et, Jean-Louis Borloo me le rappelait récemment, 
  ces bons résultats devraient être confirmés en 2005. Nous 
  tenons et dépassons même les objectifs que nous nous étions 
  fixés. Je m’en réjouis car beaucoup de retard avait été 
  accumulé à la fin des années 90.
  Le Premier ministre a par ailleurs annoncé le 29 septembre dernier que 
  le gouvernement utilisera des bâtiments publics en cours de cession pour 
  la réalisation de logements étudiants. De même, dans la 
  libération du foncier public, une priorité spécifique sera 
  donnée au logement étudiant.
  2. Deuxième mesure essentielle : La rénovation de 70 000 chambres 
  en 10 ans, soit 7 000 par an. Jean-Louis Borloo, ministre en charge du logement, 
  a présenté au Conseil National de l’Habitat le projet de 
  décret qui déplafonne l’Allocation Logement Solidarité 
  pour les résidences qui ont été rénovées.
  Concrètement, cela signifie pour un étudiant boursier que l’aide 
  de l’Etat doublera et passera de 50,03€ à 102,19€. Pour 
  une chambre rénovée d’un coût moyen de 200 euros, 
  cela signifie un soutien de 102 euros au lieu des 50 euros actuels pour une 
  chambre non rénovée.
Capcampus
  Université versus grandes écoles : quelle est votre vision / position 
  ?
Gilles de Robien :
  Pardonnez-moi, mais je conteste l’expression université versus 
  grandes écoles. Nous avons un système d’enseignement supérieur 
  dual, c’est vrai. C’est une richesse, pas une difficulté 
  ; je suis attaché à faire vivre cette exception culturelle d’autant 
  que les Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les 
  PRES, inscrits dans le projet de loi de programme pour la recherche, permettront 
  justement de dépasser les rivalités qui, ici ou là, peuvent 
  encore se manifester et de créer les indispensables synergies entres 
  les universités et les Grandes écoles. Les spécificités 
  des unes et des autres vont, je le crois, impulser un enrichissement mutuel 
  et la création de grands espaces de recherche et de formation. Cela sera 
  un plus pour la qualité de notre système de formation et donc 
  un plus pour nos étudiants.
Capcampus
  Egalité des chances : n'est-il pas plus facile d'être étudiant 
  à Paris comparé à Toulon par exemple ?
Gilles de Robien :
  L’égalité des chances, c’est permettre à qui 
  le souhaite et a les capacités pour le faire, d’entrer et surtout 
  de réussir dans notre enseignement supérieur, pour accomplir un 
  parcours de formation jusqu’à la vie professionnelle. C’est 
  notre objectif pour l’ensemble des bacheliers de notre pays. Sur la question 
  « Est-il plus facile d’être étudiant à Paris 
  qu’ailleurs ? », je crois que chaque ville a ses spécificités, 
  ses avantages et ses inconvénients, et donc qu’on ne peut pas vraiment 
  faire de classement. 
  Capcampus
  Avec la réforme des diplômes, le clivage ne va t-il pas également 
  apparaître au niveau de la valeur des diplômes selon l'université 
  qui le délivre?
Gilles de Robien :
  La mise en œuvre des cursus « Licence – Maîtrise – 
  Doctorat » ne change rien à la valeur du diplôme délivré 
  par telle ou telle université, qui reste, je tiens à le rappeler 
  des diplômes nationaux dont le plan de formation a été, 
  à chaque fois, agréé par le Ministère de l’Education 
  Nationale. En revanche notre nouveau système de formation permet de valoriser 
  des parcours étudiants, rendus plus souples, plus ouverts sur le monde 
  de l’entreprise, plus en adéquation avec les formations que proposent 
  nos partenaires européens, au delà du seul diplôme, et çà, 
  c’est une vraie avancée pour nos étudiants.
  Nous devons construire l’Europe de l’enseignement supérieur, 
  c’est une condition indispensable de la construction européenne 
  des 50 ans à venir. Pour cela la mise en place du LMD est une étape 
  indispensable. Les universités et l’ensemble de la communauté 
  ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’en à 
  peine trois ans et exclusivement sur la base du volontariat, pratiquement l’ensemble 
  des universités a adopté ce nouveau dispositif. Cet été, 
  les IUT et les écoles d’architectures ont adopté le LMD. 
  Ils seront prochainement rejoints par les instituts d’études politiques 
  et les écoles de journalisme. 
Capcampus
  Si vous aviez une baguette magique, que feriez-vous pour aider les étudiants 
  ?
Gilles de Robien :
  Je leur donnerai une information parfaite et complète sur tout ce que 
  leur permettra de faire le cursus qu’ils envisagent de choisir et aussi 
  sur ce qu’ils ne pourront pas faire. 
  Aujourd’hui, trop d’étudiants choisissent une filière 
  sans véritablement connaître les difficultés qu’ils 
  rencontreront et les débouchés réels qu’ils pourront 
  avoir trois, cinq ou huit ans plus tard. La conséquence nous la connaissons 
  : aujourd’hui plus de deux étudiants sur cinq sortent de l’université 
  sans diplôme au bout de deux ans. Nous devons profondément améliorer 
  l’information et l’orientation des étudiants pour qu’ils 
  puissent choisir en toute connaissance de cause leur formation supérieure.
Tous nos remerciements à M. De Robien.
Priscilla Rouyer
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