Interview de Claude BERNHARD - directeur de l'ENGEES

Découvrez la Grande Ecole ENGEES grâce à l'interview de son Directeur.

Publié le 17 novembre 2006

o Vous

 

Capcampus
Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

Claude BERNHARD
J’ai la fierté d’être diplômé de l’école que je dirige maintenant depuis près de 3 ans. Ma formation d’ingénieur est complétée par un doctorat de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, en sciences et techniques de l’eau. J’ai eu la chance de m’investir dans le métier de chercheur dans le domaine des ouvrages hydrauliques et de stockage des déchets au CEMAGREF pendant une dizaine d’année après la thèse. Cette période a aussi été l’occasion d’obtenir le diplôme de l’ENGREF Paris avec un travail de fin d’étude mené aux Etats-Unis sur la gestion des déchets. En parallèle, j’ai enseigné l’hydraulique dans différentes écoles d’ingénieurs en région parisienne. En 1994, je suis revenu à Strasbourg en tant que directeur des études de l’ENGEES, tout en continuant à m’investir dans des activités d’enseignement et de recherche. De 1998 à début 2003, j’ai rejoint le service de l’eau et de l’assainissement de la Communauté Urbaine de Strasbourg comme directeur adjoint en charge des dossiers stratégiques de modernisation de service et des schémas directeurs d’eau potable et d’assainissement. Confronté à des pollutions accidentelles sur le réseau public d’eau potable, j’ai pu mesurer la difficulté de la gestion de crises avec les élus et les usagers de service public. Depuis mars 1993, me voilà revenu à l’ENGEES en tant que directeur… en fait, je n’ai jamais vraiment quitté cet établissement, puisqu’en toutes circonstances j’y ai enseigné depuis maintenant près de 20 ans !

Capcampus
Quel est le profil nécessaire pour être un bon Directeur ?

Claude BERNHARD
C’est une question qu’il faudrait plutôt poser à mes étudiants, collaborateurs et partenaires… je pense néanmoins qu’il est bon de posséder au préalable une expérience réelle de l’enseignement supérieur et de la recherche, une bonne connaissance du milieu professionnel du ressort de l’école sans compter l’aptitude au management des hommes et des ressources, le goût de la communication et du contact avec les étudiants.

Capcampus
Quelle a été la décision la plus difficile que vous ayez prise en tant que directeur ?

Claude BERNHARD
Renvoyer un étudiant après une année de redoublement sans avoir réussi à le remettre en selle. C’était humainement très dur mais la défense de la qualité de notre diplôme sur le marché du travail était en jeu.

 

o L’Ecole

 

Capcampus
Pouvez-vous nous présenter votre Ecole et ses spécificités ?

Claude BERNHARD
L’ENGEES est avant tout une école d’hydraulique qui a vocation à former des ingénieurs directement opérationnels dans les domaines des équipements des collectivités (eau potable, assainissement, déchets), de l’aménagement du territoire et de la gestion des services publics. Le terme ‘environnement’ qui apparaît dans l’intitulé de l’établissement ne fait pas seulement référence au milieu naturel qu’il s’agit de préserver dans les opérations d’aménagement ou d’équipement. Il concerne aussi l’environnement économique, juridique et social dont il s’agit de tenir compte pour la réussite des projets d’ingénierie. L’enseignement de l’ENGEES est adossé à des laboratoires de recherche qui traduisent cette réalité puisque nous avons une unité de recherche centrée sur l’hydraulique urbaine, une autre sur l’aménagement du milieu naturel et une troisième en économie et sociologie. Les débouchés de l’ENGEES sont ouverts à la fois sur le secteur public d’Etat (ingénieurs des travaux ruraux du ministère chargé de l’Agriculture), des collectivités et du secteur privé (sociétés délégataires de services publics, bureaux d’études, entreprises de travaux).

Capcampus
A partir de quelle(s) procédure(s) recrutez-vous vos élèves ?

Claude BERNHARD
Tout d’abord, je voudrais préciser que l’ENGEES ne se résume pas à la seule formation d’ingénieurs, nous offrons un ensemble cohérent de formation initiale et continue.
En formation initiale, l’offre se décline au sein du L-M-D par deux licences professionnelles en co-habilitation avec l’Université Louis Pasteur de Strasbourg (Protection de l’Environnement – Agriculture Durable), quatre spécialités de masters (dont trois avec l’ULP et une avec l’INPL et l’Université Henri Poincaré de Nancy). Les procédures d’admission sont celles des universités en co-habilitation.
La formation initiale d’ingénieur reste néanmoins le point central de l’établissement. Nous recrutons principalement à ce niveau sur Concours Commun Polytechnique (filières MP, PC, PSI) et sur concours commun G2E (filière BCPST). Pour une promotion de 80 étudiants, 14 places sont réservées à des admissions sur titres (BTS, DUT , DEUG, licence, maîtrise) et 4 à la promotion interne de techniciens du ministère de l’Agriculture. Toutes filières confondues, plus de 3100 candidats se sont présentés pour admission en formation d’ingénieurs l’année dernière, la sélection est rude… le diplôme d’ingénieur est aussi ouvert par la Valorisation des Acquis de l’Expérience (VAE).
En formation continue, l’ENGEES offre trois mastères spécialisés (MS) labellisés par la Conférence des Grandes Ecoles. Ces formations s’adressent à un public de professionnels en activité, en recherche d’emploi ou à des jeunes diplômés en continuité de formation initiale. La sélection se fait sur dossiers.
Enfin, une cinquantaine de sessions de 1 à 3 jours de formation continue non diplômante sont ouvertes à un public de professionnels en activité.
On trouvera davantage de renseignements sur notre site interne www-engees.u-strasbg.fr

Capcampus
Avez-vous des projets à réaliser à court terme (fonctionnement de l’école, ouverture à l’international…)?

Claude BERNHARD
Nous sommes engagés dans un ambitieux projet de rapprochement avec l’Université Louis Pasteur de Strasbourg (ULP). Il s’inscrit dans la politique de pôles de compétences locaux d’enseignement supérieur et de recherche développée par le Ministère chargé de l’Agriculture depuis mai 2004. Pour la mise en œuvre, l’environnement scientifique local est mis à contribution pour développer un centre transfrontalier visible au niveau européen favorisant la reconnaissance et l’attractivité internationales. L’ENGEES pourrait trouver sa place dans un PRES associant les autres partenaires locaux d’enseignement supérieur et de recherche à l’échelle de l’Alsace. Le Ministère chargé de l’enseignement supérieur a par ailleurs clairement validé les hypothèses de création des Fédérations d’Enseignement et de Recherche (FER). L’ENGEES aurait vocation a y être aussi associée sur Strasbourg.
La dynamique est très forte, nous envisageons de constituer une fédération regroupant l’ENGEES avec l’ensemble des formations d’ingénieurs internes à l’ULP. Cette fédération formant plus de 950 étudiants dans son ensemble couvrirait un large champ disciplinaire avec des possibilités des synergies intéressantes entre les formations qui garderaient cependant leur identité propre. Le point fort serait l’adossement à la recherche et le rayonnement international offerts par l’ULP qui est une des rares universités françaises à figurer au classement des 100 meilleures universités mondiales établi par l’Université de Shanghai.

Capcampus
Quel est le positionnement international de votre Ecole ?

Claude BERNHARD
L’école est accréditée ERASMUS pour la période 2003-2007 et dispose de plusieurs accords de partenariat avec des établissements d’enseignement étrangers, formalisés par des conventions de collaboration, avec des universités au Royaume Uni, en Espagne et avec l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat. Les liens historiques de coopérations se sont maintenus avec l'EIER de Ouagadougou et ont récemment été renoués avec Madagascar.
Garantir une visibilité et une compétitivité au niveau international constitue aujourd’hui l'enjeu majeur pour le positionnement de l’ENGEES. D’où la politique du rapprochement universitaire permettant d’apparaître dans la compétition internationale au sein d’un ensemble de taille suffisante et doté d’une recherche reconnue. Les partenariats internationaux à établir à ce niveau se situent essentiellement dans les pays du Nord (Europe occidentale, Amérique du Nord) ou émergeants (Chine, Mexique, PECO). Le partenariat passe en premier par des liens établis par la recherche, l’échanges de stagiaires, de doctorants ou d’enseignants – chercheurs. Priorité est donnée dans la stratégie de l’ENGEES aux relations de proximité transfrontalières.

Le partenariat à entretenir avec les pays du Sud relève avant tout d’une mission de coopération mais l’objectif est de développer des échanges équilibrés et profitables à la fois à l’ENGEES et au partenaire du pays du Sud. Le volet d’aide humanitaire n’est pas oublié mais s’effectue surtout par des associations d’étudiants que l’école encourage.

Capcampus
Selon vous, comment faire face à la compétition américaine qui place toujours ses écoles parmi les meilleures ?

Claude BERNHARD
Les critères d’excellence retenus pour le classement des établissements d’enseignement supérieur à l’échelle internationale portent en gros sur la production de la recherche et sur les moyens disponibles. La qualité de l’enseignement qui est difficile à évaluer est supposée être un corollaire de ces conditions nécessaires. Sur ces bases, pour faire face à la compétition américaine, il faut trois conditions :
- adosser résolument les établissements d’enseignement supérieur à la recherche
- regrouper les forces d’enseignement et de recherche au niveau local pour atteindre les masses critiques suffisantes
- donner des moyens aux établissements qui se situent aux mêmes niveaux qu’aux Etats-Unis.
Les universités européennes qui respectent ces critères sont dans la course et apparaissent dans les classements en bonne position. En France, les écoles d’ingénieurs manquent en général d’une taille et de l’adossement recherche suffisants. Les Universités sont souvent aussi de taille insuffisante et manquent de moyens.
Il me semble cependant que nous assistons actuellement à une vraie prise de conscience qui peut faire évoluer favorablement la situation.

Capcampus
Pouvez-vous nous citer trois arguments qui inciteraient les étudiants à venir étudier dans votre Ecole ?

Claude BERNHARD
- notre secteur d’activité – l’ingénierie de l’eau- qui est porteur d’avenir
- la reconnaissance de l’ENGEES par les milieux professionnels
- le dynamisme de l’environnement universitaire et de la recherche à Strasbourg, très ouvert sur l’international

 

o L’enseignement supérieur dans l’actualité

 

Capcampus
On oppose souvent les formations universitaires aux Grandes Ecoles, pensez-vous que seule la sélection fasse la différence ?

Claude BERNHARD
Ce n’est pas la sélection qui fait la différence, mais le mode de sélection. Si l’on compare au niveau Master, la sélection effectuée par l’université est certainement aussi forte qu’en école d’ingénieur. Simplement, elle s’exerce en continu à l’université pendant le premier cycle alors que pour les écoles elle se fait à l’admission en classes préparatoires et ensuite le jour du concours. Et pour enseigner à la fois en école d’ingénieur et en master à l’université, je peux témoigner que les étudiants restant en course sont dans les deux cas des jeunes de qualité.
La différence, c’est qu’en général les étudiants d’école d’ingénieur sont issus des classes préparatoires avec un enseignement très complet et encadré mais avec peu d’ouverture sur la recherche, alors que les étudiants en université bénéficient dès le 1er cycle d’enseignements plus variés et dispensés par des maîtres de conférences et des professeurs exerçant une activité de recherche.
Si nous voulons peser dans la compétition internationale, il faut dépasser le clivage entre écoles et universités par des pôles locaux de compétences associant les deux composantes et en facilitant les passerelles pour les étudiants dans les deux sens (admissions sur titres universitaires en école d’ingénieur, admissions d’élèves ingénieurs en master dans le cadre de voies d’approfondissement, poursuite d’études doctorales à l’issue du diplôme d’ingénieur).

Capcampus
Pensez-vous que l’excellence française appartienne au passé ?


Claude BERNHARD

Non, à nous d’y travailler, la compétition reste ouverte.
Je ne suis d’ailleurs pas convaincu que si l’on avait évalué dans le passé les établissements français suivant les standards actuels, ceux ci auraient brillé davantage dans la comparaison internationale. Dans le passé, le classement s’établissait au niveau national suivant des critères de prestige souvent liés aux grands corps techniques de l’Etat. Cette époque est révolue, le formatage des standards d’excellence n’est plus fixé par les normes sociales hexagonales à un moment où l’Europe se construit et se positionne face aux autres grandes puissances mondiales.