Interview de Pascal BOULANGER de LCI

Pascal BOULANGER , Rédacteur en Chef Adjoint répond aux questions de capcampus

Publié le 07 mai 2007

Interview de Pascal Boulanger

 

Capcampus

Pascal, vous êtes aujourd’hui Rédacteur en Chef adjoint sur LCI. Racontez-nous vos débuts, votre parcours en tant que journaliste.

Pascal BOULANGER

Comme souvent en journalisme, tout est affaire de circonstances. Je poursuivais mes études de droit à Paris 2 et, muni de ma Maîtrise en Droit des Affaires et Fiscalité, j’avais du mal à me projeter dans un métier juridique. J’ai donc envoyé en masse des CV dans toutes les rédactions parisiennes (presse écrite, radio et télévision) et j’ai eu le bonheur de recevoir au bout de 4 jours une réponse de Jean-Marie Leblanc, alors rédacteur en chef à l’Equipe (il est devenu ensuite Directeur du Tour de France). Nous étions en 1986, j’étais aussi un bon cycliste amateur, Jean-Marie m’a dit qu’avec ma Maîtrise en Droit je pourrais sûrement bien écrire des articles sur mon sport préféré. Ainsi, tout en poursuivant mes études (j’ai une autre Maîtrise en Droit Européen) je suis devenu pigiste à l’Equipe. Je le concevais d’abord comme un job d’étudiant le week-end et certains soirs quand la rédaction avait des besoins de relecteur. J’écrivais quelques articles, je relisais les articles de mes camarades et je recueillais les résultats sportifs.


Voilà comment tout a commencé. J’ai pris le virus progressivement et je me suis projeté dans ce métier. Le problème est que l’Equipe ne pouvait pas me proposer une embauche. Jean-Marie Leblanc (toujours lui, il faut toujours un mentor dans la vie) me dirigea vers la radio, en particulier vers Radio France Fréquence Nord (il est nordiste). Je commençais le 1er juillet 87 à Lille dans cette radio, payé 0 Franc durant 2 mois mais avec la perspective d’une embauche à la rentrée de septembre. Nous étions 8 stagiaires en concurrence et c’est moi qui ai décroché la timbale ! Début septembre j’étais engagé en CDD. 9 mois plus tard, Radio France m’informe qu’il fallait accepter de « bouger » dans le réseau pour accéder à un CDI. Je partais donc, avec regret, à radio France Puy de Dôme en avril 88 pour être très vite embauché… apparemment je faisais l’affaire. J’ai passé 2 ans en Auvergne à faire des reportages, présenter les journaux, représenter ma radio locale, et « monter » de temps en temps à Paris pour les opérations spéciales de France Info (notamment les Présidentielles de 88).


Malheureusement je me suis vite ennuyé à Clermont Ferrand, une terre magnifique pour la qualité de vie, mais pas pour le journalisme… En 90 j’apprends qu’Europe 1 cherche un présentateur météo. Je voulais absolument revenir à Paris. Je postule et fais des essais. Le directeur de l’époque Jean-Pierre Joulin entend l’essai et me demande de faire également une maquette de Flash. Et me voilà choisi pour présenter les flashes au milieu d’une cinquantaine de candidats ! Je suis resté 6 ans à Europe 1 où j’ai été reporteur au service économique, au service des sports, ainsi que présentateur des journaux du matin. Beaucoup de grands souvenirs et beaucoup d’émotions, notamment à couvrir le Tour de France à 4 reprises, mais aussi l’actualité internationale comme la guerre du Golfe ou encore une actualité plus triste comme la prise d’otages de la maternelle de Neuilly ou l’attentat du RER Saint Michel.


Et voilà qu’en 1996, Europe 1 va mal. Un nouveau patron arrive de LCI, Jérôme Bellay, et moi je fais le chemin inverse avec l’aide de Robert Namias, directeur de l’information de TF1. Il me présente à Jean Claude Dassier qui m’embauche à LCI, d’abord pour commenter le sport à l’occasion des Jeux d’Atlanta (je venais d’écrire un livre sur ce sujet). Et puis très vite Jean-Claude Dassier me demande de présenter les journaux. J’ai présenté les journaux de LCI pendant 10 ans, dont 7 ans le matin. Et puis la lassitude est venue. Aujourd’hui je suis rédacteur en chef adjoint, responsable de la coordination entre LCI et LCI.fr, responsable des cameramen de LCI, des journaux que nous proposons pour la téléphonie mobile (Orange et Bouygues) et que nous proposons à une chaîne de la TNT (NT1), et puis je suis responsable des programmes de notre web tv baptisé LCI Intégrale. J’interviens également sur le rapprochement des processus numériques des deux rédactions de TF1 et de LCI.


Voilà, excusez-moi c’est un peu long, mais 20 ans de parcours ne se résume pas si facilement…

Capcampus

En fait vous avez réussi dès vos débuts à combiner passion sportive et boulot ?

Pascal BOULANGER

C’est vrai. Je ne reviendrai pas sur mon passage à l’Equipe où j’ai pu couvrir quelques courses cyclistes, mais aussi du basket-ball, du triathlon, du volley-ball, entre autres. En réalité mes premiers souvenirs les plus forts remontent à Radio France Fréquence Nord. Quelques semaines après mon arrivée à Lille je me retrouvais déjà à commenter les matches de championnat de France de Lille et de Lens sur France Inter! Une grande responsabilité, mais aussi de grandes émotions.
Par la suite sur Europe 1 j’ai commenté d’autres nombreux matches de football du championnat de France et de la Ligue des Champions, sans oublier quelques énévements majeurs en matière de basket-ball (finale de l’Euroligue avec Limoges) ou de handball (Mondial remporté par les tricolores). Celé étant, mes souvenirs les plus forts resteront les 4 Tours de France que j’ai couvert avec Jean-René Godard et avec mon ami Christian Prudhomme aujourd’hui directeur de la Grande Boucle.

Capcampus

Le droit et le journalisme, comment avez vous géré la transition ?

Pascal BOULANGER

Le journalisme c’est une affaire de nature. Je me souviens avoir dit un jour à mon père que plus tard je serai journaliste. J’avais 7 ans et l’idée a disparu. Ensuite j’ai choisi le droit après le bac, sans doute pour faire plaisir à ma mère, et parce que j’étais certain que j’aurai un métier avec cette formation.

Je n’en ai pas fait un métier, mais j’ai acquis grâce au droit une rigueur et une culture générale qui me servent quotidiennement dans mon métier de journaliste.

Moralité : il faut toujours suivre son instinct d’enfant…

Capcampus

Le journalisme est un métier qui fait rêver bon nombre d’étudiants. Quelles études avez-vous suivis pour accéder à ce poste ?

Pascal BOULANGER

Vous l’avez compris, des études de droit. Pourquoi ai-je deux maîtrises ? Tout simplement parce que je n’avais pas obtenu le DESS que je convoitais malgré une mention Bien à ma Maîtrise en Droit des Affaires. Alors je me suis lancé dans le droit européen, mais la flamme n’y était plus.


D’une manière générale j’apprécie les journalistes qui viennent d’autres filières que les écoles de journalisme que je trouve trop formatées. Selon moi, il est bon de se faire une solide culture générale ailleurs, et il est bon de se faire ensuite une expérience sur le tas, si possible en province où l’on vous confie très vite des responsabilités.

Capcampus

Pensez-vous que les critères requis sont aujourd’hui les mêmes qu’à vos débuts ?

Pascal BOULANGER

Pas du tout hélas. Je regrette que les rédactions fassent de plus en plus appel au vivier des écoles de journalisme agréée. Je trouve que c’est une perte de créativité et de point de vue original sur le monde que nous commentons.

Capcampus

Beaucoup d’écoles forment aujourd’hui au journalisme. Quelles sont les formations qui ont véritablement leur chance ? Qu’est-ce qui fait la différence ?

Pascal BOULANGER

Très clairement, il y a les deux « historiques » : l’ESJ de Lille et le CFJ de Paris. Ensuite on trouve 8 autres écoles agréés par la profession je crois, mais elles se partagent souvent les miettes.

Capcampus

Vous vous occupez en particulier des rubriques automobiles. Avez-vous d’autres domaines de prédilection ? Est-il nécessaire d’être polyvalent ?

Pascal BOULANGER

Une carrière de journaliste c’est long. Je pense qu’au dé but il faut être polyvalent, découvrir toutes les facettes du métier. Et puis, chemin faisant, il devient nécessaire de se spécialiser, de développer une expertise dans un domaine… Tout simplement pour se rendre indispensable, pour résister aux jeunes qui arrivent et pour prendre du plaisir dans sa spécialité.


Et oui c’est vrai, j’avais oublié de vous parler de ma chronique automobile. Je l’exerce depuis 9 ans. C’est un hasard. Je n’y connaissais pas grand-chose au départ, et Jean-Claude Dassier m’a confié cette chronique parce qu’il m’en sentait capable et pour que « je m’amuse » (ce sont ses mots) en dehors de la présentation des journaux. J’avoue que j’y prends beaucoup de plaisir. Beaucoup de gens m’envient, je voyage souvent dans le monde pour essayer de belles autos, j’ai un carnet d’adresses important dans ce milieu et j’occupe une place assez « sensible » car les annonceurs automobiles sont nombreux à la télévision.

Capcampus

Quelles sont les spécificités du journalisme télé par rapport aux autres médias ?

Pascal BOULANGER

C’est l’image c’est évident. Le journaliste télé est au service de l’image. Il doit souvent être humble par rapport à l’image qui est plus forte que lui. C’est une règle qu’il ne faut pas oublier, alors que la force de la radio est dans le verbe.

La télé est un métier difficile et exigeant. Tout peut capoter à défaut d’images, et il faut souvent passer de longues heures pour obtenir l’image recherchée. On nous reproche parfois de tricher par le montage, mais en télévision on ne peut pas tricher si on n’a pas l’image… alors que j’ai déjà entendu des journalistes radio raconter des choses qui ne se sont jamais passées… j’ai même lu des interviews totalement imaginaires en presse écrite… (mais je ne dénoncerai personne)

Capcampus

Pensez vous que l’audiovisuel bénéficie de la même crédibilité que la presse ?

Pascal BOULANGER

En tout cas il le mériterait compte tenu de ce que je viens de vous dire. La télé est le média dominant aujourd’hui et je comprends qu’elle fasse l’objet des plus vives attaques, mais les critiques sont la plupart du temps injustifiées. Il n’y a pas plus d’incompétents en télévision qu’à la radio ou en presse écrite.

Capcampus

Dans quelle autre média aimeriez-vous travailler ?

Pascal BOULANGER

En fait tous ! Et je suis comblé aujourd’hui car nous sommes entrés dans l’ère du « rich média ». LCI, comme tous ses concurrents, ne peut plus se contenter de faire seulement de la télévision. En tant que rédacteur en chef je m’occupe du développement d’internet et de la téléphonie mobile. Nous proposons plusieurs déclinaisons de nos produits, et j’ai la chance d’animer un blog très fréquenté sur LCI.fr

Ainsi je retrouve le plaisir d’écrire.

Capcampus

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaiterait se lancer dans le journalisme, d’une manière générale ?

Pascal BOULANGER

Faire de bonnes études, se construire une solide culture générale ET VOYAGER. Un journaliste moderne doit maîtriser au minimum l’anglais couramment. Je ne connais rien de mieux qu’un long séjour à l’étranger avant de se lancer dans la vie active. C’est ce que je ferai faire à tous mes enfants.


Quel est votre meilleur souvenir de votre carrière ?

Pascal BOULANGER

Le Tour de France

Capcampus

Et le pire ?

Pascal BOULANGER

La maternelle de Neuilly

Capcampus

Avez-vous certains regrets ?

Pascal BOULANGER

En septembre 2001, je faisais partie des présentateurs de LCI, j’aurais préféré être un reporter et raconter des choses vues sur le terrain.

2ème regret : les circonstances ne m’ont jamais conduit vers le journalisme politique… mais il me reste encore 20 ans de carrière…

Capcampus

Quels sont vos projets pour 2007 ?

Pascal BOULANGER

Si l’opportunité se présente, j’aimerais diriger une rédaction. A 46 ans, j’ai suffisamment d’expérience pour une telle fonction.

 

Capcampus

Un dernier mot à nos lecteurs ?

Pascal BOULANGER

Nous avons un nouveau Président de la République qui défend le travail et la récompense du travail. Il défend l’ambition et le droit de vivre ses rêves. Tout cela me parait bien qui que nous soyons, quoi que nous fassions et d’où que nous venions. Je suis issu d’un milieu modeste, j’ai grandi dans une banlieue difficile et j’ai le plaisir de faire le métier que j’aime. Il suffit de le vouloir, mais il faut vraiment le vouloir et ne pas attribuer ses échecs aux autres.