
Présentée comme une initiative de santé publique, l'interdiction des pouches pourrait paradoxalement aggraver les risques pour les adolescents qui continueraient à s'en procurer via des canaux illégaux, avec, à la clé, une exposition à des substances potentiellement plus dangereuses.
Un marché parallèle déjà actif
Les pouches ne sont pas nouveaux sur le territoire français, même s'ils échappent pour l'instant à une véritable réglementation. De nombreux jeunes accèdent déjà à ces produits en dehors des circuits traditionnels. En quelques clics sur des réseaux sociaux, des plateformes de revente ou des messageries chiffrées, il est possible de se les procurer, souvent à des doses de nicotine bien supérieures à celles que l'on trouverait dans des produits encadrés. Certains contiennent des ingrédients non identifiés, sans aucune indication sur leur origine ni sur leur composition.
Dans ces conditions, une interdiction pure et simple risquerait de renforcer un marché noir déjà florissant. Les jeunes, toujours attirés par la nouveauté ou l'interdit, pourraient s'y tourner sans que l'État n'ait plus les moyens de garantir un quelconque contrôle sanitaire ou éthique.
Les fabricants illégaux, bien conscients de leur cible, soignent l'apparence de leurs produits : saveurs attractives, packaging coloré, prix bas. Ces éléments contribuent à l'attrait des pouches auprès des mineurs. Un encadrement strict permettrait de restreindre ces pratiques commerciales, par exemple en interdisant certains arômes, en limitant les taux de nicotine ou en imposant un conditionnement non attrayant. En revanche, dans un environnement clandestin, ces leviers de régulation disparaissent.
Plusieurs pays européens ont fait le choix de la régulation plutôt que de l'interdiction. En Suède, en Norvège ou encore en Islande, les pouches sont encadrés : vente interdite aux mineurs, normes précises sur les arômes et la teneur en nicotine, traçabilité des produits. Dans ces pays, la consommation de tabac a reculé, notamment chez les plus jeunes, sans explosion parallèle d'un marché illégal.
En France, le débat reste largement centré sur une vision répressive. La présence de nicotine suffit souvent à justifier une interdiction. Mais les comportements des jeunes ne sont pas toujours dictés par la légalité. L'interdit peut même renforcer l'attrait d'un produit. Curiosité, envie de transgression, pression des pairs... autant de facteurs qui rendent une interdiction inefficace si elle n'est pas accompagnée d'une stratégie de réduction des risques.
Mettre en place une régulation permettrait à la fois d'assurer la qualité des produits, d'éviter les excès de marketing ciblé, de contrôler les canaux de distribution et de mieux informer les jeunes. Cela offrirait aussi un outil aux autorités pour intervenir efficacement, là où le marché noir se joue des règles et échappe à toute supervision.
Protéger les adolescents ne signifie pas seulement leur interdire l'accès à certaines substances. C'est aussi s'assurer que, s'ils y sont exposés, les produits respectent des normes strictes de sécurité. C'est leur fournir des repères clairs, une prévention adaptée, et des alternatives encadrées.
À défaut, les vendeurs illégaux continueront de proposer des produits attractifs, sans considération pour l'âge ou la santé des consommateurs. L'objectif de protection des jeunes pourrait alors être manqué, faute d'avoir pris en compte la réalité des usages.
L'interdiction seule ne supprime pas la demande. Elle la déplace, souvent vers des circuits plus risqués. Dans le cas des pouches, le véritable enjeu pourrait ne pas être l'accès des jeunes à ces produits, mais la manière dont cet accès se fait. Face à un phénomène déjà ancré, la question n'est peut-être pas de savoir s'il faut autoriser ou interdire, mais comment encadrer de manière responsable une pratique qui, sans cela, pourrait devenir plus dangereuse encore.
Parce que la santé est ce qu'on a de plus important, il ne faut surtout pas la négliger. Quelques trucs à avoir à l'œil...